Famille, isolation et magie australienne

25 septembre 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Famille, isolation et magie australienne

Photographe et réalisateur australien, Matthew Thorne produit des récits à la fois documentaires et intimes. The sand that ate the sea se déroule dans un village du sud de l’Australie, Andamooka.

La première expérience de Matthew Thorne avec la photographie fut un échec. Au lycée, le photographe australien avait dû photographier à l’argentique un jardin botanique. Impatient de découvrir ses images, Matthew avait été déçu lorsque sa professeure lui avait rendu des impressions complètement noires. « Elle m’avait même conseillé de ne jamais devenir photographe », se souvient-il. Quelques années plus tard, il reprenait son boitier. Et il ne l’a plus jamais quitté.

Pour lui, la photographie est un moyen de découvrir les gens. « Beaucoup de personnes m’ont dit que si je n’étais pas satisfait de mes photos, c’est parce que je ne m’étais pas assez approché de mon sujet », explique-t-il. Si les barrières sociales nous poussent à rester en retrait, Matthew se plonge avec passion dans chacun de ses projets. « Je suis persuadée qu’il faut être dévoué. Il faut s’intégrer aux communautés, s’ouvrir aux invitations que nous lance le monde », confie-t-il. Pour réaliser The sand that ate the sea, un projet cinématographique et photographique, l’artiste s’est rendu dans un village minier du sud de l’Australie : Andamooka. « J’y ai vécu six mois. C’était à la fois incroyable et amusant… L’endroit ressemble au Far West, une ville créée durant la conquête, et les habitants y sont solidement attachés ». Dans ce paysage désertique et solitaire, l’histoire de Matthew prend forme.

© Matthew Thorne

Tromper la réalité

The sand ate the sea

s’est imposé à Matthew comme une création hybride, à la fois documentaire et intime. « Je voulais documenter cette communauté, mais également traiter les thèmes de la paternité, de l’isolation, et de la magie de ces terres », explique-t-il. Un vaste sujet, inspiré par sa propre histoire. « Je m’interrogeais sur le sens de notre vie, à quel point celle-ci est prédéterminée, précise l’artiste. Tous les hommes du côté paternel de ma famille sont décédés d’une crise cardiaque entre 55 et 75 ans », ajoute-t-il. Une menace pesant sur ses épaules. Le récit alterne alors entre la gentillesse des habitants d’Andamooka, perdus dans cet îlot urbain au milieu du désert, et l’ombre de la mort. « Lorsque mon père est parti, j’ai perdu mon innocence, ajoute Matthew. J’avais devant moi la réalité du monde, de nos choix… La solidité des choses et la certitude qu’elles s’écrouleraient ».

Alternant entre couleur et noir et blanc, la série joue avec nos perceptions. Plongé dans une sorte de réalisme magique, le photographe nous trouble. « Je n’ai jamais ressenti le besoin de séparer le monochrome de la couleur, explique-t-il. Ce sont simplement des sensations différentes ». Les clichés défilent à la manière d’un rêve, d’un souvenir lointain. La couleur revient parfois en mémoire, puis l’expression d’un visage. Autant de moments précieux que Matthew a partagés avec la communauté australienne. Des rencontres marquantes ? « Il y a bien des récits magnifiques, narrés par de talentueux orateurs, commente le photographe. Mais il vous faudra y aller pour les entendre ! Elles vous seront sans doute racontées par les hennissements des chevaux… »

© Matthew Thorne© Matthew Thorne
© Matthew Thorne© Matthew Thorne

© Matthew Thorne

© Matthew Thorne© Matthew Thorne
© Matthew Thorne© Matthew Thorne
© Matthew Thorne
© Matthew Thorne© Matthew Thorne
© Matthew Thorne© Matthew Thorne
© Matthew Thorne© Matthew Thorne

© Matthew Thorne

© Matthew Thorne

Explorez
Les coups de cœur #528 : Mélodie Roulaud et LickieMcGuire
© LickieMcGuire
Les coups de cœur #528 : Mélodie Roulaud et LickieMcGuire
Mélodie Roulaud et LickieMcGuire, nos coups de cœur de la semaine, se livrent toutes deux à une pratique photographique ayant trait à...
20 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Blue Monday : 24 séries de photographies qui remontent le moral 
© Charlotte Robin
Blue Monday : 24 séries de photographies qui remontent le moral 
Depuis 2005, chaque troisième lundi de janvier est connu pour être le Blue Monday. Derrière ce surnom se cache une croyance, née d’une...
18 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
© Marilia Destot
Marilia Destot : dans le paysage sommeille la mémoire du temps qui passe
Dans Memoryscapes, Marilia Destot poursuit son travail de collages aux lignes épurées. À travers cette nouvelle série au long...
15 janvier 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #527 : Éloi Ficat et Vincent Binant
© Éloi Ficat
Les coups de cœur #527 : Éloi Ficat et Vincent Binant
Éloi Ficat et Vincent Binant, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent dans leur promenade lyrique à travers les paysages perdus et...
13 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Jean Ranobrac : des imaginaires queers iconiques
© Jean Ranobrac
Jean Ranobrac : des imaginaires queers iconiques
Jean Ranobrac est artiste et photographe. Magicien de la retouche, il est connu pour ses univers queers déjantés. Après avoir arpenté les...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Costanza Spina
Sony World Photography Awards : la photographie à la fleur de l'âge
© Thapelo Mahlangu, South Africa, Shortlist, Student Competition, Sony World Photography Awards 2025
Sony World Photography Awards : la photographie à la fleur de l’âge
Les Sony World Photography Awards annoncent les finalistes de ses deux compétitions célébrant les jeunes photographes à travers le monde...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
© Balázs Turós
Balázs Turós et le quotidien de sa grand-mère atteinte de démence
Confronté à la maladie de sa grand-mère et à ses propres questionnements existentiels, le photographe hongrois Balázs Turós sonde l’âme...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Agathe Kalfas
La sélection Instagram #490 : jardin secret
© Talya Brott / Instagram
La sélection Instagram #490 : jardin secret
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine confectionnent un nid douillet. Sur leurs images se dévoilent un cocon familial...
21 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger