Jean-François Flamey : déconstruire la clarté pour mieux rêver

14 septembre 2021   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Jean-François Flamey : déconstruire la clarté pour mieux rêver

Inspiré par la nuit et le monde des songes, le photographe belge Jean-François Flamey explore les techniques d’impression et les frontières du réel pour composer des images captivantes.

« Ma pratique photographique remonte au début des années 2000, période à laquelle j’ai décidé de dépasser la vision d’un médium-fabrique de souvenirs pour découvrir petit à petit sa puissance d’évocation, sa capacité à porter des récits et à favoriser l’imprévu »

, se souvient Jean-François Flamey. Né en 1972, le photographe vit et travaille aujourd’hui à Namur, en Wallonie. Autodidacte, et ancien disquaire, il construit ses images avec la passion d’un créateur fou, fasciné par son propre imaginaire. « Il y a quelques années, j’ai découvert ces mots de Blaise Pascal : “l’imagination décide de tout”. Un déclic s’est opéré en moi. C’est comme si on m’énonçait une vérité vérifiée, validée. L’imagination comme seul remède, comme seule valeur, que rien ni personne ne serait capable de nous enlever », poursuit-il.

Si le 8e art peut se raccrocher au tangible, souvent considéré comme un miroir de notre réalité, Jean-François Flamey s’attache à déconstruire, à couper les fils qui relient images et naturalisme. Dans ses images au grain prononcé, les frontières se brouillent, la vision devient floue, incertaine. Abstraites, presque expressionnistes, ses réalisations nous invitent à nous réaccoutumer à notre propre créativité, à écrire des récits à l’encre invisible, en suivant les lignes de chaque cliché. « Je n’aime d’ailleurs pas utiliser le terme de spectateur, car il renvoie à quelque chose de passif. Je préfère obtenir des personnes qui croisent mes images qu’elles deviennent actrices et parties prenantes de ma photographie. C’est un sentiment bien plus enivrant. Marcel Duchamp parlait de “regardeurs”, j’aime beaucoup ce que cela enferme », confie-t-il.

© Jean-François Flamey

Détourner la vérité

Sans explorer de thèmes particuliers – « ce serait me réduire à quelque chose alors que je recherche au contraire le plus de liberté mentale possible pour me créer des contextes favorables qui auront pour effet de troubler mon regard », commente-t-il – l’auteur recherche une poésie trouble, une obscurité lancinante, féconde, qui abrite l’inspiration. Guidé par de nombreuses influences (parmi elles, le cinéma japonais avant-gardiste, les peintures de Vermeer, Degas, le Bauhaus, Germaine Krull ou encore Sarah Moon) le photographe construit un monde où les règles n’opèrent plus. En quête de sens, il nous faut errer dans les méandres de cet univers monochrome à la recherche du beau, de l’implacable, de l’émouvant.

« Mon utopie est de réaliser des images comme si elles sortaient d’un rêve ou d’un état hypnagogique – ce court espace-temps un peu ambigu entre les l’éveil et l’endormissement, durant lequel nous perdons le contrôle de nos pensées raisonnées au profit de réflexions qui s’autorisent beaucoup plus de libertés », explique Jean-François Flamey. Et c’est ce désir de s’affranchir des lois, de tromper nos sens, nos perceptions les plus stables qui dictent ses compositions. Diptyques décousus, envolées conceptuelles, instants de grâce ou pesanteur incontrôlable… Chaque image cherche à détourner la vérité. D’où proviennent ces silhouettes spectrales ? Ces corps en transe ? Dorment-ils ? Ou appartiennent-ils à des forces étranges et surnaturelles ? Les rêves prennent-ils le pas sur l’esprit cartésien ? L’onirisme nous permet-il d’accéder à une forme de transcendance ? « J’entends dépasser la seule représentation du contenu de l’image et travailler également sa matérialité à travers des manipulations chimiques : par des mises en cultures d’impressions au fond de ma cave, ou  bien en les collant à même la rue, où elles évoluent au fil du temps. D’une certaine manière, je creuse mes clichés, au propre comme au figuré, pour tenter de découvrir l’insoupçonné », explique-t-il. Souvent prises de nuit, ses œuvres se détachent de la pénombre comme des fragments de songes. Des instants insensés imprimés dans l’iris du rêveur et figés, grâce à son boîtier. Une plongée nocturne dans un univers où indécision, philosophie et esthétisme se mêlent et tracent, dans l’inconnu, un chemin sinueux.

© Jean-François Flamey

© Jean-François Flamey© Jean-François Flamey

© Jean-François Flamey© Jean-François Flamey

© Jean-François Flamey© Jean-François Flamey

© Jean-François Flamey

© Jean-François Flamey© Jean-François Flamey

© Jean-François Flamey© Jean-François Flamey

© Jean-François Flamey

Explorez
Les images de la semaine du 10 novembre 2025 : ébullition photographique 
Berceau de Moïse (Reine de la nuit), Guyane, 2025 © Sylvie Bonnot, courtesy Hangar Gallery, Brussels
Les images de la semaine du 10 novembre 2025 : ébullition photographique 
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les événements photographiques abondent à Paris. Voici un tour d’horizon des festivals, foires et...
16 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
5 événements photo à découvrir ce week-end
© Boby
5 événements photo à découvrir ce week-end
Ça y est, le week-end est là. Si vous prévoyez une sortie culturelle, mais ne savez pas encore où aller, voici cinq événements...
15 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 3 novembre 2025 : les actualités de Fisheye
© Ian Cheibub
Les images de la semaine du 3 novembre 2025 : les actualités de Fisheye
C’est l’heure du récap ! Entre la parution d’un nouvel ouvrage, la sortie du numéro #74 et celle d’un épisode de Focus, la semaine a été...
09 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Paris Photo 2025 célèbre la photographie au Grand Palais
© Chloé Azzopardi / Fisheye Gallery
Paris Photo 2025 célèbre la photographie au Grand Palais
Du 13 au 16 novembre 2025, les yeux des amateurs de photographie seront tournés vers Paris Photo. La foire internationale se tiendra de...
05 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Rondônia (Comment je suis tombé amoureux d’une ligne), 2023 © Emilio Azevedo
Emilio Azevedo : En ligne de mire
Présentée dans le cadre du festival PhotoSaintGermain et au musée du Quai Branly, l'exposition Rondônia. Comment je suis tombé amoureux...
À l'instant   •  
Écrit par Milena III
À la MEP, Tyler Mitchell joue avec les codes du portrait formel
The root of all that lives, 2020 © Tyler Mitchell. Courtesy de l'artiste et de la Galerie Gagosian
À la MEP, Tyler Mitchell joue avec les codes du portrait formel
Jusqu’au 25 janvier 2026, la Maison européenne de la photographie présente la première exposition personnelle de Tyler Mitchell en...
19 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Au musée des Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières exhume la mémoire
© Guénaëlle de Carbonnières
Au musée des Arts décoratifs, Guénaëlle de Carbonnières exhume la mémoire
Jusqu’au 1er février 2026, le musée des Arts décoratifs de Paris vous invite à découvrir Dans le creux des images. Cette exposition...
19 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
Adarsh © Arhant Shrestha
Loose Fist : une cartographie de la masculinité par Arhant Shrestha
À la librairie 7L, le photographe népalais Arhant Shrestha présente Loose Fist, livre et exposition issus d’un long travail de...
18 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas