Ina Jang, artiste visuelle d’origine coréenne, construit, à l’aide de morceaux de papier son Radiator Theatre. Une série ludique et abstraite mêlant performance, peinture et photographie.
« Les premiers rayons du soleil se posent juste au-dessus de mon radiateur, dans mon studio new-yorkais. J’observe ces lumières depuis une dizaine d’années maintenant. Lorsque j’ai commencé à peindre, j’ai pris l’habitude de laisser les restes des matériaux découpés à cet endroit. Ce dernier a fini par devenir un décor, baignant dans cette lueur matinale »,
raconte Ina Jang. Ces bouts de papier, laissés à l’abandon sont finalement devenus les protagonistes de son Radiator Theatre, une série plastique à la croisée des arts. Pour cette artiste visuelle, mélanger les médiums est naturel. Une pratique lui permettant de renouveler sa créativité.
« Mais la photographie a toujours représenté mon “chez moi”. Je chéri sa dimension ludique. C’est un langage auquel j’ai recours pour souligner certains détails. Il est à la fois immédiat et discret, ouvert aux autres, et intime », précise-t-elle. Dans un monde où la diffusion des images ne cesse de croître, l’artiste prend le temps de réaliser ses constructions, refusant de s’en remettre au numérique, et érige des petites saynètes abstraites aux couleurs pastel. Des décors éphémères figés par son objectif.
Une liberté séduisante
Se fiant à son instinct, Ina Jang travaille, de jour seulement, peignant et découpant les papiers, sculptant les formes sans faire de croquis. Une fois la scène érigée, elle la déplace au sol, alors que le soleil suit son chemin et éclaire le reste de la pièce. « Je shoote généralement avec la lumière naturelle, et je termine la séance en sueur, précise-t-elle, l’effort physique que cette série nécessite me rappelle celui d’une performance. » La photographe devient alors la metteuse en scène d’un théâtre surréaliste aux acteurs sans visage. Pourtant, les courbes des figures lui évoquent parfois des corps. Celui d’une femme dansant dans la nature, ou d’un homme se tenant, solennel, au milieu d’un champ.
Car on découvre, dans cette série créative, une liberté séduisante. Une certaine mixité, invitant les couleurs, les matières et les médiums à fusionner. Cette dimension, l’artiste la retrouve dans la pratique des langues vivantes. Elle-même polyglotte, Ina Jang observe dans le mélange de plusieurs langues une poésie semblable à celle de l’art. Un assemblage linguistique mêlant le formel et l’inventif, semblable à ses œuvres hybrides, empruntant à l’image et à la peinture. Un goût pour le mélange des genres évoquant les envolées cubistes de Picasso brouillant savamment les pistes entre le tangible et l’imaginaire, et les créations géométriques et colorées de Miró et Calder, d’une extrême délicatesse.
© Ina Jang