Reconnu pour les images qu’il publie sur son compte Instagram, le steet-photographe australien David Clarke, alias @thethinblackframe, multiplie les scènes de rue. Avec élégance et dextérité, il cherche à se frayer un chemin dans le genre, en tirant le rideau sur les hasards du quotidien.
« Mes photos ne sont pas vraiment complexes – au contraire. Mais quand je ressens une pointe d’hyperréalisme, ça me fait toujours quelque chose. C’est ce qui rend mes images intéressantes. Décomposées, elles ne sont rien de plus que des scènes ordinaires du quotidien », raconte le photographe australien David Clarke, installé dans la banlieue de Melbourne. Connu sous le pseudo @thethinblackframe sur Instagram, ce photographe de rue sublime par ses compositions complexes le quotidien de la ville. Lieu où toutes sortes de personnes se croisent, la rue devient une scène aux décors multiples et imprévisibles. Chaque prise de vue offre une nouvelle perspective sur le grand spectacle urbain. Au tournant d’une rue, un personnage surgit et l’atmosphère se métamorphose. Un simple reflet dans la vitre d’une voiture peut apporter humour et tranquillité. Une ombre d’un passant peut susciter l’angoisse, ou peut-être la peur. Parfois comique, parfois tragique, le hasard dicte toujours le ton théâtral citadin – et le photographe se voue à le capturer dans son objectif.
David Clarke s’est lancé dans le 8e art durant une année passée à Londres. « C’est l’enthousiasme suscité par ma première expérience de vie urbaine qui m’a véritablement amené vers le genre. J’étais toujours en train de tâtonner avec les réglages, de rater mes prises de vue, de réaliser des portraits sous-exposés… Et je me suis finalement intéressé à la rue, se souvient l’artiste. Je n’avais plus la pression liée à un modèle, ni la lumière à gérer. C’était pour moi l’expression photographique la plus libre, et c’est toujours le cas ». Et plus de liberté rime avec plus d’inventivité. Pas de lumière professionnelle ? Une étude instinctive du soleil, des sources lumineuses et des reflets dans l’espace s’impose alors. Pas de studio ? Il suffit de cadrer sur le vif en improvisant avec la géométrie de la ville. Et pas de mise en scène ? Observons attentivement des scènes de vie !
De pures sérendipités
L’origine de son style ? Il le doit à ses contemporains britanniques au-devant de la scène londonienne, qu’il admire depuis ses débuts. Des street-photographers comme Joshua K. Jackson, Craig Whitehead et Brandon Wong qui s’inscrivent largement dans la lignée esthétique du mythique Saul Leiter. Véritables gourous de la photographie de rue grâce à leurs succès sur Instagram, ils redéfinissent le style et proposent une approche épurée, méticuleuse et saturée en couleurs. En toute humilité, David Clarke se place lui-même loin de ces derniers. « Les pionniers et les preneurs de risques trouvent des moyens de faire évoluer le statu quo. Il nous reste à espérer qu’ils nous laissent les identifier, les vénérer et les imiter », raconte-t-il. Avec l’apparition d’une photographie faite pour les réseaux sociaux, la créativité est mise à mal – et cela n’épargne pas la street-photography. « Je pense que beaucoup de gens sont plus intéressés par l’image seule – celle qui aura le plus de succès sur les réseaux sociaux – plutôt que par le projet ou le récit plus profond dont elle est issue », complète l’artiste australien, qui tente de frayer son chemin dans une communauté street, démocratique, et toujours grandissante.
C’est donc à l’auteur d’affiner son style pour se faire une place parmi ses contemporains. L’unicité d’un photographe de rue vient en partie de ses prouesses techniques, mais elle relève aussi grandement de pures sérendipités : à la fois le hasard heureux, et, la capacité à reconnaître quand la chance nous sourit. « Je prends toujours dix fois plus de mauvaises images que de bonnes, il faut juste l’accepter. C’est comme un muscle. Vous pouvez le rendre plus fort et plus rapide, et vous finirez même par sentir quand quelque chose va arriver, mais beaucoup de choses restent imprévisibles », raconte le photographe. Pour saisir le bon instant dans un cliché de rue, il faut donc s’immerger totalement dans la ville, s’y perdre pour ensuite se retrouver. Il faut multiplier ses chances et oser la rencontre avec autrui, car « l’environnement et les paysages urbains sont toujours en train de changer – pour le meilleur ou pour le pire. Il y aura donc toujours de nouvelles scènes à photographier », conclut l’auteur. Et pour David Clarke, c’est Melbourne en pleine évolution dont il tente de distiller l’essence, dans des compositions parfois drôles, mais toujours brillantes.
© David Clarke