Obscène, mise en scène

16 novembre 2020   •  
Écrit par Finley Cutts
Obscène, mise en scène

Le photographe français Hubert Crabières décortique les relations de pouvoir qui se jouent dans l’instant photographique. Rythmé par les saisons, l’artiste produit une œuvre mouvante, résultat de ses expérimentations artistiques.

« La littérature et la philosophie ont été de grandes sources d’inspirations et peut-être les moteurs principaux de mes recherches »

, explique Hubert Crabières, qui voit en La Pesanteur et la Grâce de Simone Weil un essai quasi-photographique. Ne se retrouvant pas dans l’idée de diviser son œuvre en séries isolées, l’artiste revendique un ensemble unique, de longue allure, qui témoigne de l’évolution de ses recherches. « J’ai souvent du mal à percevoir l’ambivalence et la complexité des sens d’une image, ou d’un propos autour des images, quand celle-ci s’inscrit sous l’autorité d’un thème particulier » explique-t-il. Qu’elles répondent à une envie personnelle et intime, ou qu’elle soient le fruit d’une commande, ses images dialoguent, et nuancent son approche artistique. Au centre de son travail, l’idée de contexte attise son élan créatif et multiplie les niveaux de lecture. « Peut-être qu’au fond, l’image résulte plus d’un accident ou d’une conséquence contextuelle que d’une fin en soi. C’est pour cela qu’elle ne trouve pas sa place dans une thématique (pré)définie », confie le photographe.

© Hubert Crabières

“Family”, Edicola Magazine, stylist Riccardo Linarello, Dijon, France, 2019

Un étonnement constant

Metteur en scène extravagant, Hubert Crabières imagine des situations surréalistes où ses modèles exaltent le décor. Ses images donnent à voir des personnages déguisés, célébrant l’absurde, et questionnant les enjeux de l’acte photographique. « Jouer avec son apparence dans l’image c’est aussi une manière de se positionner sur ce que je peux m’approprier ou non dans le rapport à la personne que je photographie », explique l’auteur, qui n’hésite pas à utiliser des costumes – tous plus invraisemblables les uns que les autres. « Cette confrontation entre le construit et ce qui y échappe constitue la force, politique, d’une photographie. Par là je peux intégrer toutes ces contradictions sans que l’une ou l’autre ne prennent une valeur de démonstration autoritaire », défend l’artiste.

C’est exclusivement chez lui, à Argenteuil – transformé pour l’occasion en studio multiforme et déjanté – que le photographe construit ses mises en scène complexes. Par la continuité du lieu, Hubert Crabières brouille les repères chronologiques et revendique un questionnement sur la temporalité du travail photographique. « Je veux explorer cette contradiction entre l’envie d’originalité dans une image – ce que le contexte commercial a tendance à surdévelopper – et au contraire l’absence de surprise, quelque chose qui casserait l’effet autant qu’il le privilégierait », raconte-t-il. Le décor, toujours identique, ne surprend jamais, mais rend d’autant plus merveilleux ce qui s’y déroule, une sorte d’étonnement constant. « Cela me permet d’explorer les liens, entre l’intime et le spectaculaire, et surtout entre l’intime et le monde professionnel. Ainsi peuvent se côtoyer des images documentaires et des images mises en scène », souligne le photographe. En revendiquant des axes de recherches étayés, et des mises en scènes déjantées, Hubert Crabières nous invite à scruter l’instant photographique, et les enjeux qui s’y opèrent.

© Hubert Crabières© Hubert Crabières
© Hubert Crabières© Hubert Crabières

“Aobadai flowers”, Edicola magazine, Aobadai, Japan, 2018

© Hubert Crabières

© Hubert Crabières© Hubert Crabières
© Hubert Crabières© Hubert Crabières

“Swimming pool” à g., “Fireworks” à d.,  Maison Caron , Argenteuil, France, 2020

© Hubert Crabières© Hubert Crabières
© Hubert Crabières© Hubert Crabières

 

 

© Hubert Crabières

Explorez
Les images de la semaine du 29 septembre 2025 : expositions et représentations
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
Les images de la semaine du 29 septembre 2025 : expositions et représentations
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent de certaines des expositions du moment et de sujets qui...
05 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Billie Eilish, hasard et ambivalence : dans la photothèque de Jenny Bewer
La première photographie qui t’a marquée et pourquoi ? © Jenny Bewer
Billie Eilish, hasard et ambivalence : dans la photothèque de Jenny Bewer
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
03 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Panorama 27 : au Fresnoy, l’image réinventée
Daniel Duque, Pacifico, film, 2025, production Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains © Daniel Duque
Panorama 27 : au Fresnoy, l’image réinventée
Au cœur du Fresnoy, l’exposition annuelle Panorama est devenue un rendez-vous incontournable. Pour sa 27e édition, l’événement orchestre...
02 octobre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Edward Weston et Tyler Mitchell seront bientôt exposés à la MEP 
© Edward Weston, Charis, Santa Monica (Nude in doorway), 1936 © Center for Creative Photography, Arizona Board of Regents / Edward Weston, Adagp, Paris, 2025. Courtesy Wilson Centre for Photography
Edward Weston et Tyler Mitchell seront bientôt exposés à la MEP 
Du 15 octobre au 25 janvier 2026, la Maison européenne de la photographie présentera deux rétrospectives. L’une sera consacrée à Edward...
01 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Polaraki : une collection de polaroids d'Araki sort d'un appartement parisien
Sans titre, Araki Nobuyoshi 1990 -2024 © Nobuyoshi Araki © Musée Guimet, Paris, Nicolas Fussler
Polaraki : une collection de polaroids d’Araki sort d’un appartement parisien
Jusqu'au 12 janvier 2026, le musée des arts asiatiques - Guimet accueille une collection foisonnant de polaroids, issue de l’œuvre du...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
© Anna Prudhomme
Les coups de cœur #561 : Julie Brochard et Anna Prudhomme
Julie Brochard et Anna Prudhomme, nos coups de cœur de la semaine, ont puisé l’inspiration dans la maison de leurs grands-parents. La...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les images de la semaine du 29 septembre 2025 : expositions et représentations
Speak the Wind, 2015-2020 © Hoda Afshar, Courtesy de l'artiste et de la Galerie Milani, Brisbane, Australie.
Les images de la semaine du 29 septembre 2025 : expositions et représentations
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent de certaines des expositions du moment et de sujets qui...
05 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
© Nick Prideaux
Grace Land : Nick Prideaux transcrit son expérience de la perte
Dans le cadre d’une résidence artistique à la Maison de la Chapelle, au cœur de la Provence, Nick Prideaux a imaginé Grace Land. À...
04 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet