Véritable amoureuse des gens, la photographe française Oriane Robaldo s’attache à révéler la beauté pure de celles et ceux qui passent devant son objectif. Une collection de portraits charmants interrogeant, en contrepoint, le médium et son rapport au réel.
« J’ai toujours été un peu fascinée par les gens autour de moi, aimé travailler main dans la main avec mes modèles, pour les rendre belles et beaux et les pousser vers le haut. Un shooting réussi ? C’est quand quelqu’un se plaît dans mes images, c’est une vraie collaboration », raconte Oriane Robaldo. Originaire du sud de la France – où elle a développé un amour pour la lumière naturelle et le paysage méditerranéen – la jeune photographe poursuit aujourd’hui ses études en histoire de l’art à Paris. C’est un peu par hasard, au lendemain d’une soirée entre ami·es, qu’elle se lance dans le 8e art. « Je suis tombée sur un vendeur de boîtiers argentiques dans un marché à Nation qui nous a poussées, ma copine et moi, à en acheter un chacune », se souvient-elle. Si à l’époque la jeune femme se considère « davantage théoricienne qu’artiste », elle débute une exploration créative qui ancre sa passion.
Corps libérés, fête, exaltation, libération… Dans ses clichés – souvent pris à l’argentique – Oriane Robaldo tient à révéler la simple beauté de l’existence. La légèreté, la joie qui guide et anime les êtres, l’authenticité qui forge les identités. Et bien qu’elle ne se considère pas militante, sa fascination pour les communautés, les esthétiques et les styles atypiques, tout comme son amour pour les ballads de Nan Goldin la conduisent à sublimer une troupe de modèles aux allures aussi singulières que marquantes. En résulte une collection de portraits d’une sincérité touchante, où la beauté est multiple, nuancée, déconstruite, où les personnalités brillent et éclipsent les carcans si durement vissés au cœur de notre société.
Cultiver son regard
Pourtant, malgré l’apparente candeur de ses thèmes de prédilection, Oriane Robaldo interroge, grâce à la photographie, les notions de souvenir, comme de réel. « Parfois, je me sens obsédée par l’image. J’ai peur de regretter de ne pas prendre “la” photo, mais au final, je ne vis pas le moment présent. En essayant sans cesse de se rappeler, ne perd-on pas finalement la chose essentielle ? », se questionne-t-elle. Une dépendance à l’image poussée à l’outrance par l’avènement du smartphone et des réseaux sociaux… Et un travers que l’artiste parvient à apaiser grâce à l’argentique. « En dehors de son coût, cette pratique impose plus de contraintes : elle aiguise l’œil, nous pousse à choisir le bon moment et à nous dépasser, c’est un exercice que je recommande à tous·tes ! », poursuit-elle.
Et, déterminée à immortaliser l’instant-clé, celui qui compte et raconte, l’autrice prend également du recul sur sa propre création. Que convoquent ces situations, figées par l’impression ? Sont-elles le reflet du réel, ou une distorsion de sa propre vision des événements ? Pour Oriane Robaldo, « ce sont des cadrages sur lesquels on appose un imaginaire collectif ». Un exercice qui la conduit même à laisser planer le mystère quant aux localisations de ses clichés. « J’ai presque envie de ne pas dévoiler la réponse : ma photo est prise où on veut, finalement », s’amuse-t-elle. Séance de maquillage avant une sortie, promenade urbaine, danse décomplexée, ivresse d’une soirée… Guidée par ses explorations visuelles et intellectuelles, la photographe « cultive [s]on regard », étudie ses modèles, scrute la foule à la recherche d’une étincelle. D’une fulgurance éphémère qui lui donne envie d’appuyer sur le déclencheur pour révéler la grâce de celui ou celle qu’elle contemple. Comme une image prise au moment où l’on ôte son masque, où on dévoile son « moi » le plus authentique : non pas sobre et ordinaire, mais ruisselant de strass, de couleurs, de dentelles et de confiance.
© Oriane Robaldo