Balade dans les rues désertes de Paris avec Robert Hyde. Le photographe américain installé en France transforme la capitale en un espace fictif, aussi sombre qu’amusant. Street Paralysis, une série à explorer depuis chez soi.
« Le documentaire créatif ».
Telle est la spécialisation de Robert Hyde, un photographe américain établi à Paris depuis 2017. Sombres et insolites, ses projets prennent racine dans l’intime – motivés par un désir d’introspection. Un besoin de donner du sens à son univers que l’on retrouve dans Street Paralysis. « Paradoxalement, cette quarantaine me pousse à sortir et photographier la rue. Si j’ai découvert beaucoup de séries intéressantes réalisées en intérieur, j’ai besoin de me perdre dans les rues pour témoigner de l’anxiété qui habite actuellement Paris, explique l’artiste. Cette atmosphère singulière nourrit mon approche fantaisiste. »
Patient, Robert Hyde se fie à son intuition pour construire sa série. « Pourtant, je me dois de respecter certaines règles », précise-t-il. Une lumière particulière, une architecture dominante et un ciel absent paramètrent la ville devenue claustrophobe et asphyxiante. « Lorsque j’ai trouvé un endroit qui me convient, j’attends que quelqu’un sorte. Cela peut prendre des heures – et parfois personne ne vient », explique-t-il.
Une réalité alternative
Cinématographiques, les images de Street Paralysis évoquent un Hopper lugubre et cynique. Clin d’œil à la paralysie du sommeil (un trouble du sommeil au cours duquel le sujet conscient se trouve dans l’incapacité d’effectuer tout mouvement volontaire), le titre de la série nous transporte dans une réalité alternative – celle d’un Paris figé, incapable d’échapper à la torpeur. « Je souhaitais également mettre en lumière l’étrange lucidité qui succède à ces paralysies. J’ai perdu connaissance à de nombreuses reprises lorsque j’avais une vingtaine d’années, et à chaque réveil, mon environnement me paraissait net et étrangement paisible – comme s’il était chargé d’une nouvelle énergie », raconte-t-il.
Aux frontières de la fiction, la série s’inspire des photographies de rue de Philip-Lorca DiCorcia, et des ambiances fantastiques et futuristes de Gregory Crewdson. Plongée dans la semi-obscurité, la capitale française devient un espace alternatif, et ouvre ses portes à la fiction. En jouant avec le mystère et l’humour, Robert Hyde construit un univers hypnotique, où les personnages comme les décors gardent de nombreux secrets. Véritables tableaux, les clichés figent les anonymes dans des postures singulières et brouillent les frontières entre mise en scène et spontanéité. « La plupart des gens étant masqués, il nous faut nous concentrer sur le langage corporel plutôt que l’expression faciale », précise le photographe. Inspiré par l’idée de « transition », Street Paralysis expose un espace en mutation, hors du réel et du temps.
© Robert Hyde