Alors qu’il déménage à Las Vegas, en 2013, le photographe américain Marshall Scheuttle démarre un projet singulier. Morning Star est le récit atypique et personnel d’un habitant de la capitale du vice.
C’est le cinéma qui a forgé l’œil du photographe américain Marshall Scheuttle. Adolescent, il passe le plus clair de son temps à regarder des films, et s’intéresse à l’esthétique des réalisateurs. « Pour être honnête, j’ai toujours été plus intéressé par l’utilisation de la lumière dans les films que dans la photographie », confie Marshall. Il grandit avec le 35 mm de son père, et « apprend à interpréter visuellement le monde, et ses histoires ». Il y a cinq ans, le photographe s’installe à Las Vegas, les clés de sa voiture et quelques vêtements en sa possession, déterminé à s’immerger dans la capitale du péché. « Je voulais me couper du reste du monde et ne ressortir qu’avec la série que je souhaitais réaliser », précise Marshall.
Naît alors Morning Star, un récit personnel dans cette oasis urbaine en plein cœur du Nevada. « Je voulais passer la ville au peigne fin, et la prendre en photo d’une nouvelle manière. Réaliser des images que personne n’aurait encore jamais vues », explique le photographe. Alors que les années passent, Marshall remarque que son projet évolue, tandis que la ville le transforme. « Toute l’ironie est là : bien que j’y habite toujours, le protagoniste de ce récit n’est plus vraiment moi ».
La capitale du vice
Le titre de la série, Morning Star est une référence à Lucifer, surnommé ainsi dans certains livres religieux. « Il est déchu, chassé du paradis et forcé à descendre sur terre », explique le photographe. « J’y ai vu une comparaison avec Vegas, et le nombre de personnes qui s’y installent par hasard ». Une expérience vécue par Marshall lui-même. « Et puis, il y a aussi ce goût de Vegas pour le vice. La ville accueille les mal-en-point comme les rêveurs, et leur donne une chance ». C’est donc au cœur de cette capitale du jeu que le photographe s’installe, et démarre une nouvelle vie. « Cette histoire est mon histoire avant tout », souligne-t-il. « Je n’ai jamais voulu documenter Las Vegas ».
Pourtant, la violence et l’énergie particulière de la ville influencent son travail. « Dans cet océan de clichés, certains m’ont évidemment attiré », confie-t-il. « Ils faisaient partie de ma réalité, et de la réalité de mes connaissances. Je ne pouvais donc pas les ignorer complètement ». Tantôt cru, tantôt poétique, le Las Vegas de Marshall Scheuttle se démarque par sa complexité. Un récit subtil aux nombreuses lectures.
© Marshall Scheuttle