Une brutale délicatesse

06 octobre 2020   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Une brutale délicatesse

L’artiste iranienne Naghmeh Navabi combine photographie, peinture et collage pour créer des œuvres graphiques, inspirées par le réalisme magique de Frida Kahlo et la poésie de son pays natal.

« Il existe une ruelle / Que mon cœur a volée / Aux quartiers de mon enfance »,

ces premiers vers du poème « Autre Naissance », de l’auteure iranienne Forough Farrokhzad capturent l’essence des créations de Naghmeh Navabi. Il y a, dans les réalisations de l’artiste – mêlant photographie, peinture et collage – une tendresse particulière pour son pays de naissance, l’Iran, qui perdure, malgré la distance physique.

Née à Téhéran en 1982, Naghmeh Navabi habite aujourd’hui à Londres, où elle réalise des œuvres évoquant la délicatesse des porcelaines japonaises. « Le collage a marqué un véritable tournant dans ma pratique, il m’aide à jouer avec les différentes couches, à découper des images numériques comme argentiques », précise-t-elle. Inspirée par de nombreux auteurs – Frida Kahlo, Shirin Neshat, ou encore Wangechi Mutu –  la poésie moderne iranienne tient une place toute particulière dans son cœur. « Lorsqu’il s’agit de création, je reviens à mes racines », explique-t-elle.

© Naghmeh Navabi© Naghmeh Navabi

Réflexions symboliques

Loin d’être simplement esthétiques, les créations de l’artiste se lisent comme des réflexions symboliques, des pensées abstraites, influencées par les droits des femmes. « Je base mes œuvres sur ma propre expérience. Je travaille du point de vue d’une femme venue du Moyen-Orient. J’analyse les notions de maternité, de sexisme, d’égalité et de violence », confie-t-elle. Sur ses collages, les visages sont camouflés derrière d’autres images, ou tout simplement rayés, remplacés par un vide béant. Des femmes étranges, aux silhouettes absurdes et anonymes. Si Naghmeh Navabi dit vouloir protéger l’identité de ses modèles, leur représentation interroge : qui sont ces femmes ? Que ressentent-elles ? Ces traits effacés représentent-ils un futur incertain ? Un besoin de se protéger des regards, pour être, enfin, libres ?

Parmi les œuvres de l’artiste, un tableau graphique, dichotomique, fascine particulièrement. Des femmes voilées sont survolées par une figure féminine, sensuelle, qui semble vouloir les embrasser. Autour de ces corps monochromes, des tentacules pourpres s’enroulent, menaçants. « Ce collage représente la dualité de ma culture, et d’une société confinée. Ces tentacules sont une métaphore de la souffrance, d’une situation chaotique », explique l’auteure. Une œuvre aussi séduisante qu’effrayante.

© Naghmeh Navabi© Naghmeh Navabi
© Naghmeh Navabi© Naghmeh Navabi

© Naghmeh Navabi

© Naghmeh Navabi© Naghmeh Navabi
© Naghmeh Navabi© Naghmeh Navabi

© Naghmeh Navabi

Explorez
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Juno Calypso : palais paranoïaque
© Juno Calypso. What to Do With a Million Years ? « Subterranean Kitchen »
Juno Calypso : palais paranoïaque
Dans sa série What to Do With a Million Years ? , la photographe britannique Juno Calypso investit un abri antiatomique extravagant non...
20 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
La sélection Instagram #494 : explosion de nuances
© Maria Louceiro / Instagram
La sélection Instagram #494 : explosion de nuances
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’approprient la couleur. En hommage aux beaux jours qui reviennent doucement...
18 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina