Nouvelles scènes

22 janvier 2019   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Nouvelles scènes

Iggy Pop se déhanchant au Bookie’s club 870, Kurt Cobain braquant un flingue vers une cible imaginaire, Pete Doherty hypnotisant son public… Les images de rock sont définitivement cultes. Derrière les images de concerts, de groupes, de coulisses et de pochettes de disques se cachent des parcours de photographes. Lumière sur la nouvelle scène musicale. Cet article, est à retrouver dans Fisheye #5.

« Les vrais photographes rock, c’est Antoine d’Agata, Michael Ackerman, ça sent la sueur et même le sang. »

Pour Julien Mignot, 32 ans, la photographie rock est avant tout une question de posture et d’attitude. Le photographe rock doit être au plus près de ce qu’il photographie, être inscrit dans ce qui se passe. Avec Julien Mignot, on est précipité dans le moment présent. Lorsqu’il photographie des musiciens classiques, il garde cette approche, ce point de vue, qui forge son travail de photographe.

Samuel Kirszenbaum n’a pas fait d’école de photographie, mais sa passion pour ce médium le mène à faire des photos et même aujourd’hui à donner des cours d’histoire de la photographie. Au départ, il y a des journaux qui l’envoient prendre des photos des groupes en concert. Il se retrouvait avec les autres photographes au même endroit, avec le même point de vue, bref, il ne voyait pas l’intérêt. Alors il s’est retourné et a décidé de prendre en photo le public. « Quand je suis dans la fosse et que je photographie le public, c’est un moment d’une intensité énorme, on me bouscule, je perds pied, je suis tellement près d’eux qu’ils ne me voient pas ! » raconte-t-il. Pour lui, les imperfections font partie de la photographie, comme l’erreur fait partie de la science. Il définit l’esthétique rock comme étant, avant toute chose, « rugueuse et sexuelle ». Une vérité qui prend naissance dans son travail à travers le public qu’il côtoie, plutôt que chez les musiciens devenus intouchables.

Pour Samuel Kirszenbaum, « il n’y a plus aucune liberté, il y a trop d’intermédiaires entre le photographe et l’artiste ». Dans cette image ultra-contrôlée des musiciens aujourd’hui, la créativité est étouffée dans des prises de vues trop convenues. L’esprit du rock en photographie se situe peut-être ailleurs que dans le rock lui-même, comme contrechamp pour Samuel Kirszenbaum ou comme parti pris pour regarder le réel avec Julien Mignot.

© Julien Mignot

© Julien Mignot

Le poids d’une mythologie

Mathieu Zazzo est portraitiste, il shoote la scène rock d’aujourd’hui pour la presse et fait des pochettes d’albums pour les maisons de disques… Renouveler le portrait de rock n’est pas une mince affaire. Le photographe Anton Corbijn et ses images de U2, Depeche Mode, Bowie l’ont vraiment guidé. « Il arrivait avec ses propres obsessions, son propre univers, et créait une rencontre toujours très intéressante. » Depuis, l’iconographie rock a été vidée de toute notion de danger, ça n’a plus rien de subversif, « ça ne va plus faire peur à ta grand-mère, car elle a grandi dedans ». C’est auprès du chanteur des Libertines que Mathieu Zazzo retrouve un peu d’adrénaline.

Avec Pete Doherty, il rencontre un univers au romantisme écorché qui incarne bien le rock d’aujourd’hui. « Auprès de lui, il y a quelque chose de l’ordre de l’imprévisible, avec sa manière de vivre très poétique, incontrôlable, tu retrouves un peu de danger. » Une fois, il le photographie chez lui, mais le chanteur était tellement défoncé que Mathieu n’arrivait pas à lui faire ouvrir les yeux. Du coup, il l’immortalise les yeux fermés. « Le groupe supprimait les barrières en annonçant publiquement des concerts impromptus dans des appartements, auxquels tout le monde était invité, ce qui rendait dingues leur maison de disques et leur manager. » Un peu de fraîcheur et de vérité qui laissent la place aux accidents et à une expression moins convenue, l’excitation est à nouveau là.

© Mathieu Zazzo© Mathieu Zazzo

© Mathieu Zazzo

Pour les pochettes d’albums, il doit également composer avec une mythologie lourde à dépasser, pétrie d’icônes, de fantasmes par lesquels il est lui-même façonné. Dès sa jeunesse, Mathieu Zazzo est marqué par l’iconographie rock, et notamment celle de cet artiste qui met sur le même plan sa musique et son image : David Bowie. Tous ses personnages, Ziggy Stardust ou le Thin White Duke, le fascinent. « Tu te prends un monde dans la gueule à chaque nouvelle pochette. » Lorsqu’on lui demande de faire une pochette d’album pour les BB Brunes, il choisit de faire une image explicitement référencée. « On est partis d’une photo du Velvet Underground et on a ajouté des éléments comme la banane ou la grosse caisse des Beatles. »

Un poids iconographique énorme sur les épaules des photographes, qui conduit à une imagerie hyperréférencée, mais Mathieu Zazzo a choisi d’en jouer. « On a placé dans l’image un projecteur pour montrer que, justement, on mettait en scène une mythologie. Ce que l’on met en avant, c’est cette candeur, cette naïveté vis-à-vis de cette époque. » Les photographes aujourd’hui sont aussi bien influencés par William Eggleston que par les photos Instagram de Rihanna. Le renouveau des codes visuels est dans la fusion de mondes qui étaient par le passé étrangers les uns aux autres. En confrontant cette mythologie à autre chose, en la pervertissant, cela donne lieu à un nouveau langage. Cette absence de hiérarchisation des univers permet des chocs qui sont en réalité de nouvelles propositions.

© Gabriel Jones

© Gabriel Jones

© Gabriel Jones

© Gabriel Jones© Julien Mignot

© à g. Gabriel Jones, à d. Julien Mignot

© Julien Mignot© Julien Mignot

© Julien Mignot

© Mathieu Zazzo© Mathieu Zazzo

© Mathieu Zazzo

Image d’ouverture : © Julien Mignot

Explorez
5 coups de cœur qui expérimentent avec le médium
© Carla Lesueur
5 coups de cœur qui expérimentent avec le médium
Tous les lundis, nous partageons les projets de deux photographes qui ont retenu notre attention dans nos coups de cœur. Cette semaine...
14 avril 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les images de la semaine du 7 avril 2025 : souvenirs et réalités cachées
© Francesca Forquet
Les images de la semaine du 7 avril 2025 : souvenirs et réalités cachées
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les photographes de Fisheye évoquent les souvenirs et les réalités cachées dans des approches...
13 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Francesca Forquet sur la piste des corgis sprinteurs
© Francesca Forquet
Francesca Forquet sur la piste des corgis sprinteurs
Imaginez une plage californienne baignant sous le soleil et ajoutez-y des centaines de corgis en effervescence, vêtus de costumes...
11 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #501 : folie douce
© mtong7 / Instagram
La sélection Instagram #501 : folie douce
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine s’abandonnent à quelques fantaisies visuelles ou mises en scène surprenantes....
08 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
12 expositions photographiques à découvrir en avril 2025
© Delali Ayivi
12 expositions photographiques à découvrir en avril 2025
L’arrivée du printemps fait également fleurir de nombreuses expositions. Pour occuper les journées qui s’allongent ou les week-ends...
Il y a 11 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marc Riboud : dix ans de conflit vietnamien dans une exposition
À la sortie de l'école dans un village de la côte, Nord Vietnam, 1969 © Marc Riboud / Fonds Marc Riboud au musée Guimet
Marc Riboud : dix ans de conflit vietnamien dans une exposition
Le musée Guimet des Arts asiatiques et l’association Les Amis de Marc Riboud s’unissent pour présenter l’exposition Marc Riboud –...
18 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Mikiya Takimoto, en quête d’équilibre
© Mikiya Takimoto
Mikiya Takimoto, en quête d’équilibre
Photographe et chef opérateur japonais, Mikiya Takimoto explore en permanence les possibilités de l’image. Paysages silencieux...
17 avril 2025   •  
Écrit par Milena III
Basile Pelletier et Sølve Sundsbø conversent : « La curiosité est ma principale source d'inspiration »
Le linge, 2021 © Basile Pelletier
Basile Pelletier et Sølve Sundsbø conversent : « La curiosité est ma principale source d’inspiration »
Le jeune talent Basile Pelletier, 21 ans, ancien élève de la section art et image de l’école Kourtrajmé, échange avec le photographe...
17 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas