Amaury da Cunha, photographe français, présente, dans son livre Demeure, son univers à la fois sombre et poétique. Complétées par des vers de Sylvie Gracia, ses images racontent une histoire intime et désordonnée.
Pour Amaury da Cunha, la photographie est une affaire de famille. Son père, photographe, l’initie, dès son jeune âge à étudier la lumière, et à sensibiliser son œil à la composition. Poète, Amaury voit dans la photographie une beauté semblable à celle de la littérature. Ses clichés sont des approches, des expériences qu’il définit comme des « amorces de réponses à la question du réel ». « Faire une image, c’est tenter quelque chose, un geste, souvent simple en apparence », ajoute-t-il. Son livre Demeure s’inscrit dans ce parcours étrange, et donne à voir une mosaïque d’images à la narration éparpillée.
« J’avais le désir de faire un livre différent de ceux que j’ai déjà publiés », annonce Amaury. Les images y sont hétérogènes, sans lien les unes par rapport aux autres, prises à des époques différentes de la carrière du photographe. Et pourtant, une unité se dégage des pages. Une certaine noblesse, sublimée par les teintes sombres des clichés. Au creux des photos, cachés dans des plis japonais, se trouvent des textes de Sylvie Gracia, femme de lettres française, des vers qui viennent bercer l’ouvrage. « J’aime l’idée que derrière une image, il y a toujours une histoire », confit le photographe. « Les phrases de Sylvie en restituent des lambeaux, et éclairent ces photos en tentant d’en dissiper les zones d’ombres ».
Une autobiographie désordonnée
Qui sont ces modèles d’une beauté ténébreuse ? Quels personnages jouent-ils ? Demeure brouille les pistes, et Amaury laisser planer le doute. Pourtant, au fil du livre, un récit intime apparaît en contrepoint. Si les courts poèmes qui légendent les images ne sont pas de lui, ce rappel à l’écriture révèle l’importance des mots dans la vie d’Amaury. « La poésie est si souvent caricaturale, aujourd’hui », ajoute-t-il. « On accède parfois à elle lorsqu’on l’oublie ». En posant des mots sur les photographies, celles-ci s’organisent et lèvent le voile de l’intime. Ensemble, lettres et clichés présentent une sorte d’autobiographie désordonnée, un puzzle en morceau. S’il est difficile de dater les images et d’identifier les êtres, pour Amaury, une image est claire : « le livre commence par le portrait de Charles, mon frère disparu. La photographie a toujours à voir avec la perte. Cet ouvrage est peut-être un prolongement poétique, tourné vers la vie après la mort d’un être aimé. Comment pouvoir se reconnecter au monde après une telle épreuve ? » En s’interrogeant ainsi, le photographe propose une création complexe aux intonations mystérieuses. Un récit désordonné d’une profonde beauté.
Demeure, Éditions H’artpon, 35 €, 136 p.
© Amaury da Cunha