Dans Lever les sages, Benjamin Schmuck voyage au Bénin pour rencontrer celles et ceux qui célèbrent la mort autrement. Lors de cérémonies flamboyantes et colorées, le photographe français immortalise nos défunts – d’une façon paradoxalement pleine de vie. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
La mort est un sujet tabou, parfois romantique mais toujours producteur de fantasmes. Après avoir visionné les vidéos de clôture du Festival international de Porto-Novo, la capitale du Bénin, où des défunts « assistent à des célébrations », Benjamin Schmuck a décidé de se rendre sur place. « À vrai dire, je n’avais jamais rien vu de tel », se souvient le photographe français. Dans les rues de la ville, des centaines de divinités masquées défilaient au rythme des tambours, habillées de couleurs vives caractéristiques d’une partie de l’Afrique de l’Ouest, en particulier du Bénin – berceau de la religion vaudoue. Mystique et fascinante, cette dernière devient le sujet de la série Lever les sages. « Au Bénin,“Lever les sages” désigne l’action de remercier un prêtre vaudou pour les conseils prodigués. Pour moi, c’est aussi invoquer le défunt et le faire passer du monde des morts à celui des vivants », explique-t-il. Avec des costumes riches en détails et hauts en couleur, la mort devient une célébration spirituelle, loin des tabous qui lui sont attachés en France. « La place du mort dans la société béninoise et cette manière de la représenter me bouleversent, tant elle est exacerbée », poursuit-il.
Ode radieuse à nos défunts
Ne connaissant pas les coutumes du pays, Benjamin Schmuck a eu recours à un guide qui lui a permis d’accéder aux rituels vaudous de ces sociétés secrètes. « Je me souviens notamment d’une cérémonie dans un petit village non loin de Calavi. Le prêtre parlait du pouvoir de l’eau, j’entendais le bruit de la pluie tomber sur la tôle au-dessus de ma tête… pendant qu’à l’extérieur le soleil était au zénith », se souvient-il. Impressionné par la force de cette liturgie, le photographe a gardé une certaine distance qui a influencé ses images. « Je sortais l’appareil photo uniquement quand on m’invitait à le faire. On ne sait pas qui est sous le masque. On dit même qu’un non-initié ne doit pas toucher le pagne d’une divinité, au risque de mourir », explique l’artiste. Grand Popo, Ouidah, Abomey… De ville en ville, dans le sud du pays, l’artiste multiplie les rencontres. L’une d’entre elles le conduit à Augustin Sanou, peintre béninois connu pour avoir peint les murs d’un couvent vaudou. « Augustin a eu la gentillesse de collaborer avec moi. Il a peint plusieurs tableaux à partir de mes images. La découverte de ces très belles peintures est sans doute l’un des moments les plus émouvants de mon voyage », explique Benjamin Schmuck. Ode radieuse à nos défunts, Lever les sages célèbre avec ses costumes flamboyants une autre vision de la mort, paradoxalement pleine de vie.
Présentée au Festival Circulation(s) jusqu’au 9 mai, Lever les sages paraîtra bientôt sous forme de livre aux éditions Entorse.
Lever les sages © Benjamin Schmuck