En réponse aux théories de l’effondrement, le photographe franco-suisse Matthieu Gafsou soumet une typologie d’images tantôt réalistes, tantôt allégoriques. Un travail sensible sur nos sociétés à la dérive intitulé Solastalgie, qu’il vient de commencer cette année lors de la Résidence 1+2 à Toulouse. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.
Les abeilles disparaissent. Fumer tue. Les cyclones majeurs seront de plus en plus fréquents. Les jeux vidéo transforment les nouvelles générations en de véritables psychopathes. Les OGM détruisent la biodiversité. En France, un incendie domestique a lieu toutes les deux minutes. En France toujours, le cancer est la première cause de mortalité prématurée. La banquise fond. Avec la hausse des températures, les vagues migratoires vont s’intensifier. L’humanité vit désormais à crédit. Connaîtrons-nous le permis de procréation ? « Le monde devient inquiétant », lance le photographe Matthieu Gafsou.
Un sentiment largement partagé. Selon une étude menée par Ipsos Global Advisor en 2012, une personne sur sept pense faire l’expérience de la fin du monde – causes naturelles, politiques ou divines confondues. La théorie exposée par l’Américain Jared Diamond dans son livre Effondrement (2005), selon laquelle la « chute radicale et durable du nombre, de l’organisation politique, économique et sociale d’une population sur un large territoire donné » serait l’une des conséquences de l’acharnement des sociétés humaines à détruire leur environnement, en séduit plus d’un.
La fin d’une société
« Nous assistons à la fin d’une société. Les effondrements qui ont eu lieu par le passé ne concernaient pas les sociétés mondialisées. Il s’agirait là de la chute d’un système presque global. Voilà ce qui est effrayant »
, complète le photographe. Anxieux, révolté, Matthieu Gafsou est aussi curieux. Durant l’été 2019, il dévore plusieurs ouvrages théoriques, philosophiques et artistiques. Ses sujets d’étude ? La collapsologie, l’obsolescence, le survivalisme, ainsi que les schémas alternatifs. Des lectures qui ont nourri sa réflexion. « Le point de départ de mon projet Solastalgie vient certainement d’une transformation de ma relation au monde. Depuis des années, on entend parler du réchauffement climatique, mais récemment, les choses se sont accélérées. On observe une accumulation d’évènements. Dans l’actualité : la démission du gouvernement de Nicolas Hulot, les Gilets jaunes ou Greta Thunberg, entre autres », explique l’artiste, père de deux garçons. « Je réfléchis à ce que je vais leur offrir. Comment donc s’engager pour éviter que les générations futures aient le pire des avenirs ? »
Cette série, amorcée à Toulouse dans le cadre de la Résidence 1+2, fait suite à un précédent travail, H+, dédié au transhumanisme. « Le transhumanisme est un mouvement qui vise à créer un homme plus fort, plus résistant et donc qui invite à une consommation extrême des ressources. Peut-être faut-il inverser la logique et réfléchir à une façon de faire moins. Et si nous pensions à une nouvelle manière d’interagir avec notre milieu, en se détachant de cette vision anthropocentrique qui me semble destructrice? »
Cet article est à retrouver dans son intégralité dans Fisheye #39, en kiosque et disponible ici.
© Matthieu Gafsou / Résidence 1+2 / Galerie C / MAPS