Dans les années 1980, Lauren Greenfield commence à photographier les jeunes de son entourage à Los Angeles. Sans le savoir, elle immortalise leur obsession pour l’esthétique et leur désir de célébrité. Quatre ans d’enquête ont donné naissance, en mai 2017, à un ouvrage Generation Wealth. Ce sujet est à lire en intégralité dans notre dernier numéro.
Photographe de mode pour les plus grands magasines (Elle, The New York Magazine…), Lauren Greenfield pénètre dans les milieux où le consumérisme est le plus éclatant. Elle s’immerge dans l’univers des nouveaux riches, un domaine négligé par la plupart de ses collègues, qui le considèrent inintéressant ou inaccessible. Pour la photographe, ces personnes « ont envie de raconter leurs histoires, mais ils veulent la raconter à quelqu’un qui ne les juge pas ». Sincèrement convaincue par le déterminisme social, elle ne les accuse pas. « J’ai photographié une fille qui voulait se refaire le nez depuis qu’elle avait 12 ans, ajoute-t-elle. Quand elle a finalement réalisé son opération, j’étais contente qu’elle soit plus heureuse. Ma critique n’est pas contre son choix, mais contre une culture qui provoque ce désir chez une fille de 12 ans. »
Son livre Generation Wealth est le produit d’une longue recherche, en même temps qu’une arme avec laquelle la photographe entend combattre cette culture. Elle souhaite que nous reconnaissions nos envies dans les envies de ses personnages, et que nous retrouvions nos faiblesses dans les leurs. L’enquête sociologique à l’origine de cet ouvrage – dont la conception a nécessité quatre ans de travail – sera prolongée par un documentaire qui devrait voir le jour à la rentrée 2017. Une manière de raconter en photos un monde obsédé par l’image pour forcer la réflexion. Les couleurs saturées, les surfaces brillantes, les lumières dures qu’elle emploie participent de cette intention. « J’utilise l’esthétique de la culture populaire pour parler de la culture populaire », explique la photographe. Ce livre monumental (de 500 pages, rassemblant 650 clichés et 150 interviews) s’achève avec l’intronisation de Donald Trump, qui représente pour la photographe l’apothéose du phénomène qu’elle dépeint.
Faîtes semblant jusqu’à le devenir
« Oh, s’il vous plaît, les Américains ne détestent pas les riches, ils veulent être comme eux. Chaque Américain pense qu’il sera le prochain riche, et cela ne changera jamais », placé en exergue, cette citation de Fran Lebowitz donne le ton de l’ouvrage de Lauren Greenfield. Comment devenir célèbre quand on n’appartient pas à une famille bourgeoise ? Comment baigner dans la richesse quand rien ne nous y destine ? Kim Kardashian a créé le buzz sur la Toile avec une sex tape. D’autres maîtrisent la méthode du « Fake it till you make it » (« Faites semblant jusqu’à le devenir »), expression empruntée au rappeur Future. Ceux qui n’ont pas l’argent nécessaire essaient toujours de trouver un « moyen de faire comme si », explique la photographe.
Comme, Limo Bob, 49 ans, autoproclamé « Roi Limo » après avoir approché les plus grandes stars américaines telles que Michael Jordan ou Mike Tyson. Son secret ? Avoir pu acheter la plus longue limousine du monde, et conduire des célébrités. Il a commencé avec rien, il possède aujourd’hui une chaîne de limousines. Ou Enrique, 17 ans, issu d’une famille pauvre, qui a économisé plus de 500 euros pour louer une limousine lui permettant d’accéder à un certain statut. Avant d’être un rappeur célèbre, Future était pauvre. Il possède aujourd’hui un jet privé et joue les célébrités au Magic City, le club de strip-tease le plus en vue dans le monde du rap. « Paraître riche est aussi important que de l’être », conclut Lauren Greenfield.
“Chaque Américain pense qu’il sera le prochain riche, et cela ne changera jamais ”
Limo Bobo, 49 ans, porte sur lui 15 kg d’or et un manteau en fourrure, un cadeau de Mike Tyson. Image par © Lauren Greenfield
Emily, 10 ans, dans la piscine du Peninsula Hotel à Beverly Hills. La suite présidentielle de l’hôtel est sa résidence provisoire depuis que son père a été mis en examen pour fraude fiscale. Image par © Lauren Greenfield
Image d’ouverture : Mijanou, 18 ans, élue meilleur physique du lycée Beverly Hills, sèche les cours avec ses amis. Issue d’un milieu modeste, son physique lui permet de traîner avec les cool kids. Image par © Lauren Greenfield