« Inciter tout le monde à prendre part à la transition écologique »

03 juin 2021   •  
Écrit par Eric Karsenty
« Inciter tout le monde à prendre part à la transition écologique »

À l’occasion de l’exposition La Pêche durable au-delà des clichés, Camille Vaugon et Théo Giacometti présentent leurs photos réalisées pour l’ONG Marine Stewardship Council (MSC), Margaux Favret, la nouvelle directrice France, précise les ambitions de son organisation.

Fisheye : Vous venez d’être nommée directrice France au MSC le 8 mars 2021. C’est un nouveau poste pour l’ONG que vous avez rejointe il y a dix ans. Quels sont vos missions et vos objectifs ?

Margaux Favret : La mission de notre ONG est de lutter contre la surpêche en travaillant avec l’ensemble des acteurs en France : des pêcheurs aux consommateurs, en passant par les acteurs du marché pour activer la transition vers une pêche durable et des approvisionnements responsables. Concrètement, nous avons un programme de certification indépendant qui permet de récompenser et reconnaître les pratiques de pêche respectueuses de l’environnement, et de donner au citoyen un repère simple pour choisir des poissons issus d’une pêche durable. Plus de onze pêcheries françaises sont d’ailleurs certifiées à ce jour ! Nous développons également des projets, des outils et un fonds de soutien pour accompagner les pêcheurs volontaires, de toute taille, dans leur progrès vers des pratiques plus durables. Notre objectif est bien sûr de sensibiliser le plus grand nombre aux enjeux de la surpêche et à la réalité scientifique de la pêche durable, pour inciter tout le monde à prendre part à la transition écologique : nous sommes convaincus que nous avons tous un rôle à jouer !

© Théo Giacometti

© Théo Giacometti

Vous avez publié en janvier un rapport intitulé Pêche durable et sécurité alimentaire, quels défis pour demain ? Pouvez-vous nous indiquer les trois principaux défis de cette enquête ?

Ce rapport nous rappelle l’importance du poisson dans l’immense défi de sécurité alimentaire auquel est confrontée notre planète. Plus de trois milliards de personnes dépendent aujourd’hui du poisson pour leur principal apport en protéines animales, et ce chiffre va continuer de grimper à mesure que la population mondiale augmente : nous serons dix milliards en 2050 !

Les scientifiques ont montré que si toutes les populations de poissons étaient en bonne santé, nos océans seraient plus productifs et on pourrait capturer jusqu’à seize millions de tonnes de poissons supplémentaires par an. Cela permettrait de nourrir soixante-douze millions de personnes, soit plus que la population française. Pourtant, plus d’un tiers des stocks de poissons sont aujourd’hui surexploités. Le constat est donc sans appel : si nous voulons nourrir tout le monde et assurer un accès équitable aux ressources alimentaires comme le poisson, nous devons collectivement tous agir pour une pêche plus durable. Il est plus que jamais urgent d’avoir une coopération internationale ambitieuse et une volonté politique pour mieux gérer le bien commun que sont nos populations de poissons.

© Camille Vaugon

© Camille Vaugon

Vous êtes engagés dans une transition écologique en travaillant avec des scientifiques, des pêcheurs, des entreprises, des institutionnels et des organisations internationales dont les logiques ne sont pas toujours convergentes… Comment arrivez-vous à impulser des dynamiques pour développer des pratiques durables ?

Nous essayons de faciliter l’action collective, par exemple en menant des projets de transition collaboratifs dans certaines régions (Indonésie, Mexique, Afrique du Sud, Méditerranée) auprès de pêcheurs, notamment artisans. Nous avons par exemple monté le projet Medfish avec le WWF afin d’accompagner une dizaine de pêcheries françaises et espagnoles, du diagnostic de leurs performances environnementales à la définition collective d’un plan d’action pour améliorer les points faibles. Tous les acteurs volontaires sont associés : les pêcheurs et leurs représentants, mais aussi les scientifiques qui apportent des données pour mieux connaître l’état des populations de poissons, les gestionnaires pour la partie réglementaire, les associations qui ont des projets dans la zone, et les acteurs du marché qui souhaitent suivre la démarche ou la soutenir : chacun apporte sa pierre à l’édifice. Depuis deux ans, nous avons également un fonds qui permet de financer des projets scientifiques ou techniques qui visent à améliorer la durabilité des pêcheries !

© Théo Giacometti© Camille Vaugon

à g. © Théo Giacometti ; à d. © Camille Vaugon

Comment réagissez-vous par rapport aux critiques qui vous sont parfois adressées ?

Les critiques sont importantes, car elles nous permettent de nous remettre en question et d’avancer ! Nous revoyons d’ailleurs notre cahier des charges tous les cinq ans en consultant des centaines d’avis différents, pour sans cesse l’améliorer. Mais nous restons convaincus d’une chose : pour relever le défi que nous tend la surpêche, il est essentiel de travailler avec tout le monde : les petits pêcheurs comme les gros, les multinationales comme les petites marques indépendantes, et de leur accorder à tous la même importance. Car ils font tous partie de la solution, et peuvent tous avoir un impact positif en changeant leurs pratiques. Les résultats sont là et le prouvent : les pêcheries certifiées MSC ont mis en place plus de 1 700 améliorations de pratiques au cours des vingt dernières années. Des pêcheurs artisans de homard français ont travaillé avec des scientifiques pour mieux comprendre les migrations des crustacés, des bateaux plus gros ont adapté leurs engins de pêche pour réduire leurs captures de poissons non ciblés, d’autres encore ont fermé des zones à la pêche pour protéger des habitats sensibles, etc. Bref, quelle que soit la taille du bateau ou de l’engin de pêche utilisé, la pêche durable peut concerner tout le monde !

© Théo Giacometti

© Théo Giacometti

Le 8 juin sera célébrée la Journée mondiale de l’océan, avez-vous une actualité pour cet événement ?

À l’occasion de ce temps fort, nous menons chaque année une campagne de sensibilisation pour éduquer le grand public aux enjeux de la protection de nos océans et de la consommation responsable. Cette année, nous serons entre autres présents aux côtés de Fisheye pour mettre en lumière les différents visages de la pêche durable à travers les objectifs de Théo Giacometti et Camille Vaugon dans une exposition dédiée aux pêcheurs français certifiés !

 

La Pêche durable au-delà des clichés

Photos de Théo Giacometti et Camille Vaugon

Du 14 au 19 juin 2021

Fisheye Gallery, 2 rue de l’Hôpital Saint-Louis, 75010 Paris

© Camille Vaugon

© Camille Vaugon

Image d’ouverture : © Camille Vaugon

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