Surréalisme par la bande

24 novembre 2022   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Surréalisme par la bande

Avec Lockdown Collages, l’artiste sud-africain Nico Krijno transcende le réel pour représenter un monde plus intérieur. Un ensemble de collages surréalistes qui brouille notre perception du concret. Cet article est à retrouver dans notre dernier numéro.

« J’aime particulièrement me concentrer sur les limites du médium photographique en manipulant la surface du tirage ou du négatif. Le monde à l’intérieur de ces quatre bords ressemble alors davantage à une scène de théâtre qu’à une fenêtre sur le monde »,

déclare Nico Krijno. Né en 1981, le photographe sud-africain consacre « 98% de sa pratique artistique » aux collages numériques et artisanaux. À l’origine de chaque création, un croquis illustrant une idée sortie de son imaginaire, puis une dizaine d’images, prises en jouant avec l’éclairage, la composition, la perspective… Autant de paramètres qui brouillent notre compréhension. De ces clichés fleurissent ensuite les montages, les plis, les expérimentations au scanner, les rapprochements d’angles opposés, comme un mariage absurde d’éléments qui ne sont pas censés se rencontrer. Une manière pour l’auteur d’interroger l’(in)capacité d’une photographie unique à représenter une réalité multisensorielle.

C’est en plein confinement que Nico Krijno s’est lancé dans la réalisation de ses Lockdown Collages. À la veille de « l’enfermement du monde », il quittait son foyer – une ferme perdue dans les montagnes – pour entamer un voyage professionnel autour du monde, de l’Australie au Danemark en passant par les États-Unis. Un périple réjouissant pour l’artiste qui n’a pas pour habitude de sortir de chez lui. Soudainement contraint à rester sagement dans sa chambre d’hôtel, loin de sa famille et de ses repères, il décide de passer sa frustration dans la création. Et de cet événement hors normes ont jailli des expérimentations visuelles absurdes, vouées à déconstruire notre réalité. Un surréalisme faisant écho à une situation tout aussi étrange. Natures mortes insensées, bugs organiques, paysages séquencés… Dans ses œuvres, le monde arrête d’avoir du sens, et le rôle même du 8e art en tant que « médium du réel » est mis à mal. « Je brouille toute information spatiale et comprime l’information visuelle pour interroger la perception de la photographie conventionnelle quotidienne », ajoute l’auteur. Perçus comme une danse, où chaque essai de collage évoque un couple esquissant quelques pas, les montages de Nico Krijno transcendent le concret pour représenter un univers plus intérieur. Un univers qui tisse des liens entre émotions et réalité, qui renverse les barrières qu’érige le rationnel. « Il s’agit d’une œuvre qui fournit des preuves étranges et douteuses d’une vision fragmentée du monde face à l’objectif. Mais c’est aussi un art unique mettant en lumière le processus et la performance, plutôt que le simple produit fini », conclut-il.

 

© Nico Krijno

© Nico Krijno© Nico Krijno

© Nico Krijno

© Nico Krijno© Nico Krijno

© Nico Krijno

© Nico Krijno

Explorez
Sara Silks, de l’aube au crépuscule
© Sara Silks
Sara Silks, de l’aube au crépuscule
Pour le 23e numéro de sa série bimensuelle dédiée aux photographes émergent·es, Setanta Books publie le travail délicat de Sara Silks....
21 octobre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #529 : passer du blanc au noir
© Lê Nguyên Phương / Instagram
La sélection Instagram #529 : passer du blanc au noir
Que permet le noir et blanc en photographie ? Pour quelle raison cette esthétique est-elle toujours aussi présente dans le champ de l’art...
21 octobre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 13 octobre 2025 : parcours photographique 
© Sander Vos
Les images de la semaine du 13 octobre 2025 : parcours photographique 
C’est l’heure du récap ! En ce premier week-end des vacances de la Toussaint, les pages de Fisheye vous présentent des expositions à...
19 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
PhotoSaintGermain et a ppr oc he dévoilent une collaboration inédite 
© Julie Cockburn / Courtesy Hopstreet Gallery
PhotoSaintGermain et a ppr oc he dévoilent une collaboration inédite 
Pour leur édition 2025, PhotoSaintGermain et a ppr oc he ont présenté leur programmation lors d’une conférence commune. À cette...
15 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
© Sara Silks
Les images de la semaine du 20 octobre 2025 : famille, cultures alternatives et lumière
C’est l’heure du récap ! Dans les pages de Fisheye cette semaine, les photographes nous font voyager, aussi bien dans des lieux...
Il y a 4 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
7 séries photographiques qui offrent une nouvelle vie à des archives familiales
Marianne et Ebba, The Mothers I Might Have Had © Caroline Furneaux
7 séries photographiques qui offrent une nouvelle vie à des archives familiales
Parmi les photographes qui travaillent autour des archives, un certain nombre s’intéresse aux images qui pourraient figurer, si ce n’est...
25 octobre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Kiko et Mar : voyage dans les subcultures de Chine
If you want to come and see me, just let me know © Kiko et Mar
Kiko et Mar : voyage dans les subcultures de Chine
Fruit d’une résidence d’artiste en Chine, la série If you want to come and see me, just let me know, réalisée par le couple de...
24 octobre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Abdulhamid Kircher : Sans re-pères
Rotting from Within © Abdulhamid Kircher
Abdulhamid Kircher : Sans re-pères
Dans son travail Rotting from Within, lauréat du grand prix Images Vevey, Abdulhamid Kircher livre un récit intime : tenter de briser un...
23 octobre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot