Florine Thiebaud et Jelena Jankovic, nos coups de cœur #400, s’attachent à représenter les autres dans leur authenticité. Entre documentaire et approche plasticienne, elles abordent le médium avec sensibilité.
Florine Thiebaud
Mains entrelacées d’hommes en partance sans arrivée certaine, paysages clôturés, une mer qui a fini d’être nourricière… Autant d’images puissantes que Florine Thibaud a capturées pour nous raconter des histoires de douleurs intériorisées. Si cette thématique identitaire reliée à l’exil a toujours traversé l’artiste, elle s’est imposée à elle lors d’un séjour de plusieurs mois en Grèce. « Les rencontres que j’ai faites m’ont poussée à m’interroger sur l’accueil des personnes en attente de papiers sur des iles et de me confronter à une réalité qui m’avait été véhiculée par les médias. J’ai créé des liens très forts avec les personnes que j’ai rencontrées, Feras, Edmond, Razan, Sylla, Diallo… Ce sont eux qui m’ont donné l’envie de personnellement m’impliquer pendant plusieurs années sur des projets comme Exils ou Breaking Point, où je suis allée à Lesbos et Chios ». Loin de porter un regard misérabiliste sur une situation de crise migratoire, Florine Thiebaud prône une approche documentaire, bienveillante et emphatique d’un artiste sur son modèle. « Selon moi un portrait réussi se ressent surtout dans la confiance visible à l’image entre le sujet et l’artiste : l’instant où une personne ne cherche plus à paraitre, mais se donne à voir simplement et en dialogue avec elle-même », ajoute-t-elle. Ici, malgré des horizons réduits et parfois asphyxiant, derrière l’objectif sensible de Florine, le temps se fige et devient libre. Et les visages rieurs persistent à croire en un avenir vertueux, solidaire.
Jelena Jankovic
« La photographie n’est pas seulement un travail, elle fait partie intégrante de ma vie, elle est continue. C’est mon principal canal d’expression. À travers mes images, vous aurez l’occasion de découvrir une partie de moi. J’aime me considérer davantage comme un auteur qui aime explorer de nouvelles perspectives créatives », confie Jelena Jankovic. Diagnostiquée dyslexique assez tard – un trouble qui lui procurait un sentiment d’étrangeté au monde – elle prend alors conscience du cadre dans lequel ce handicap la contraignait et trouve dans le 8e art une échappatoire. Progressivement, elle apprivoise et expérimente − telle une nouvelle langue − le médium photographique afin de dialoguer avec autrui, en restant au plus près de ses ressentis. En résultent des images lumineuses et dynamiques, portées sur l’humain dans toute sa dissemblance, où l’essence des uns transparait dans les traits discontinus des autres. « Mon univers est comme une rave party. Il est plein de couleurs et d’émotions. C’est à la fois beau et épuisant, certaines fois effrayant, mais constamment inspirant. », explique-t-elle. Dans son projet The Creators, elle a capturé des passant·es new-yorkais·es paré·es de leurs habits de lumière, en prêtant attention à leurs mouvements. Car pour l’artiste, celui-ci est pareil à un élan de vie, instinctif et permanent. « Il est partout. On peut le voir dans les gens qui nous entourent et dans toutes leurs actions. On peut également trouver du mouvement dans la nature. L’énergie qui s’en dégage est une source constante d’inspiration. Vous pouvez l’utiliser comme bon vous semble. Il suffit d’observer et de prêter attention aux détails. Si le monde s’arrêtait de bouger pour une raison quelconque, je ne serais pas capable de créer de la même manière », conclut-elle.
© Jelena Jankovic
Image d’ouverture © Jelena Jankovic