Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Avec sa série surréaliste Skeletons In The Closet, la Hongkongaise Fion Hung Ching Yan met en scène le climat oppressant de sa famille, l’autorité subie et l’intégrité retrouvée.
« Mon travail est subversif : j’essaie de renverser l’autorité de ma famille, la pression filiale qu’elle a exercée sur moi au fil des années. » Affirmée dans ses propos, Fion Hung Ching Yan est habitée depuis l’enfance par les questions de déterminisme et de liberté. Pour exprimer ce sentiment complexe d’être aux prises avec un héritage familial pesant, elle n’a trouvé de meilleur moyen que la métaphore visuelle permise par le biais photographique. Jeune artiste émergente de Hong Kong, Fion ne se limite pas à la photographie numérique, mais multiplie au contraire les supports – collages, photographie analogique, design, expérimentations plastiques… Exposée à Hong Kong, Taïwan, en Thaïlande, en Corée du Sud, en Allemagne et en Italie, son œuvre consiste toujours en un travail sur le lien entre texte et image, sous formes d’installations et de livres.
Puisant du côté des grands surréalistes – avec des références quasi explicites à Magritte et à Dalí – et des marques de mode telles que COS, Camper et Switch, pour leur mise en scène du mannequinat et leurs combinaisons d’objets, l’artiste aime immerger les regardeur·ses dans une sorte de maison de poupée qu’elle aurait créée de toute pièce. En témoigne sa série Skeletons In The Closet, qui apparaît ici comme une critique du rituel qui dépersonnalise, et surtout d’un asservissement des enfants au service des aîné·es.
Stealing Oranges To Take Home For His Mother, © Fion Hung Ching Yan
Trouble et distortions
Pour Fion Hung Ching Yan, toute création débute avec un travail de mise en scène à la fois étrange, ridicule et ironique. L’occasion pour elle de réaliser de manière précise les saynètes qu’elle s’imagine – respectant à la lettre les jeux de composition et de couleurs. Mais son œuvre peut également être particulièrement inquiétante, comme le suggère le nom de sa série la plus récente, Skeletons In The Closet (une expression anglaise évoquant le fait d’avoir des choses à cacher, NDLR). Sans jamais entrer dans les détails de son intimité familiale, elle fait référence ici à un ensemble de vieux contes chinois, intitulés 24 Paragons of Filial Piety (Les 24 paragons de la piété filiale), en utilisant directement le titre de chaque histoire dans l’image correspondante. Un ensemble visuellement frappant qui suggère l’obsession, et évoque en contrepoint le thème de la folie – à travers la présence de médicaments dans plusieurs photographies, ainsi que des effets visuels qui troublent l’image, notamment.« La folie, c’est le résultat du niveau de stress que ma famille élargie a fait peser sur moi au fil des ans et qui n’a pas pu être libéré », déclare l’artiste.
Sur fond de subversion des traditions culturelles et familiales dont elle est issue, Fion Hung Ching Yan crée un chaos visuel de toute part – notamment par la prolifération des objets ou la récurrence de l’idée du corps distordu et démembré. Parmi les images marquantes de cette série, on trouve ainsi une photographie d’un bras noyé au milieu de solutions médicamenteuses intitulée He Personally Tested His Mother’s Prescriptions (Il goûta lui-même les médicaments prescrits pour sa mère), ou, plus trash, With Deep Concern, Tasting His Father’s Stool (Avec une grande inquiétude, il goûta les selles de son père), qui reprend un conte dans lequel un fils loyal goûte les selles de son père pour vérifier s’il est malade. « Avec la photographie, je veux montrer la version de la réalité qu’on ne voit pas. Je veux retrouver mon autorité pour pouvoir parler et ne pas me faire demander de me taire », conclut-elle.
© Serving Wooden Statues Of His Parents
© à g. Attracting Mosquitoes To Drink His Blood, à d. He Personally Tested His Mother’s Prescriptions
© Costumes And Pranks To Amuse His Parents
© à g. Tears That Brought Bamboo-shoots From The Frozen Earth, à d. He Fanned The Pillows And Warmed The Sheets
© Fion Hung Ching Yan