Dans Águas de Ouro, un ouvrage imprimé à l’encre dorée, la photographe brésilienne Sandra Cattaneo Adorno fait le portrait d’Ipanema et de sa plage. Un récit teinté de réalisme magique faisant honneur à son pays d’origine.
« Je suis souvent attirée par un mouvement, un geste qui annonce qu’une histoire, ou une émotion va naître à l’intérieur du cadre. Il est important que la photographie garde cette part de mystère, pour cette raison, je shoote souvent face à la lumière, sans montrer les traits de mes sujets de manière directe »,
explique Sandra Cattaneo Adorno. Née au Brésil, l’artiste d’origine britannique, française et portugaise a évolué dans un milieu multiculturel qui développe sa sensibilité et façonne sa manière de voir le monde. Un monde où les communautés, les origines, les classes sociales se croisent, marquées par leurs différences.
Après avoir grandi à Rio de Janeiro, la photographe est partie étudier à l’étranger, ne retournant dans son Brésil natal que ponctuellement. Une distance qui l’empêche de photographier le territoire, de peur de ne pouvoir s’y identifier. C’est finalement en 2018 qu’elle parvient à se plonger dans l’atmosphère du pays, à s’imprégner de ses souvenirs d’enfance pour construire des séries imprégnées de son passé. « J’étais particulièrement intéressée par Ipanema. Cette plage est aujourd’hui très différente de celle de mes souvenirs : plus diverse et intéressante. Les Cariocas (les personnes nées dans l’État de Rio de Janeiro, NDLR) venus des quatre coins de la ville peuvent désormais profiter des places du sud, plus exclusives, grâce aux transports en commun. Ces nouveaux sujets instaurant une énergie plus puissante que celle de ma jeunesse : il y a plus de monde, et plus d’action », raconte-t-elle.
Saudade
Pour faire honneur à ces nouveaux arrivants, Sandra Cattaneo Adorno s’est immergée dans un réalisme magique cher à la culture latine. Dans Águas de Ouro, le monde est teinté d’éclats dorés. Les silhouettes sombres se détachent d’un ciel flamboyant, et les corps tracent des ombres graphiques sur le sable, et l’écume des vagues. Sans indication de temps, les protagonistes du récit errent dans cet espace enchanteur, ruisselant d’eau salée, étincelant sous un soleil aveuglant. « En concevant le livre, j’ai découvert une publication imprimée à l’encre métallique et l’ai montrée à mon publiciste, David Chickey des éditions Radius Books. Il a adoré l’idée d’expérimenter avec cette technique. L’ouvrage a finalement été imprimé à l’aide de trois techniques différentes d’encre métallique : encre dorée sur papier noir, quatre couleurs sur une base argentée et encre bleue sur papier blanc. C’était une superbe expérience, et je suis ravie du résultat », confie-t-elle.
Inspirée par le terme « saudade », qui renvoie, dans la culture brésilienne, à un état émotionnel particulier : l’envie de quelque chose d’inaccessible ou de trop lointain, l’artiste tisse des liens entre le monde des sensations et l’histoire plus concrète du pays. « Le terme renvoie aux personnes qui nous ont accompagnés, par le passé, et qui jouent toujours un rôle important dans nos vies. Je voulais rendre hommage à cette nostalgie, ainsi qu’à la joie de la faire dialoguer avec le présent », ajoute-t-elle. Si Sandra Cattaneo Adorno ne se considère pas comme une photographe politique, les enjeux sociétaux du Brésil viennent nourrir son imaginaire. Et, sous cette lumière surnaturelle, qui gomme les visages et anonymise les êtres, chaque sujet se fond dans le paysage. Face aux images, plus d’inégalités, mais un désir de vivre l’instant, de ressentir la chaleur sur sa peau, les vagues sur ses jambes, l’air dans ses cheveux. Une expérience immersive où la magie prend le pas sur le réel, pour offrir au territoire un récit aussi splendide que mystérieux.
Águas de Ouro, Éditions Radius Books, 60$, 160 p.
© Sandra Cattaneo Adorno