Avec Atlas Tadao Ando, Philippe Séclier rend hommage à l’architecte international japonais. Dans un livre à paraître aux éditions Atelier EXB, le photographe dresse un catalogue mondial des œuvres d’un maître des volumes et de la lumière.
Janvier 2021, au cœur de Paris, la Bourse du commerce rouvre ses portes après des années de travaux retardés par la crise sanitaire. Le public peut enfin découvrir le nouvel écrin qui accueillera les œuvres d’art contemporain de la collection de François Pinault. Et quel écrin ? La conception de la restauration des lieux a été confiée à quatre cabinets d’architectes. Parmi eux, le célèbre japonais Tadao Ando, appelé à penser et diriger la conversion du bâtiment. Sa dernière réalisation à ce jour sera, selon ses mots, « un espace invitant à faire une expérience temporelle. L’architecture comme trait d’union entre le passé, le présent et le futur. »
Les nombreux édifices essaimés par Tadao Ando à travers le monde fascinent autant que celui que beaucoup considèrent comme un maître. Il faut dire que c’est un personnage. Tadao Ando est né en 1941 dans un quartier populaire d’Osaka. Tout d’abord boxeur professionnel, il découvre l’œuvre de Le Corbusier à 17 ans. Il en est impressionné. C’est alors qu’il décide d’apprendre l’architecture en autodidacte. Dans les années 1960, il effectue plusieurs voyages aux États-Unis, en Europe et en Afrique, puis revient au Japon. C’est en 1969 qu’il crée son studio d’architecture, Tadao Ando Architect & Associates. Ce n’est qu’à partir de l’année suivante, qu’il construit ses premières résidences. En juin 1995, il est le troisième Japonais à obtenir le Prix Pritzker, l’équivalent du Prix Nobel dans son métier.
Teatrino-Pinault Collection – Venise © Philippe Séclier © Tadao Ando Architect & Associates
Une quête, une obsession
Tadao Ando a conçu plus de 200 structures, principalement au Japon. Ces œuvres sont le sujet central du dernier livre de Philippe Scélier intitulé Atlas Tadao Ando. « Le métier d’architecte m’a toujours passionné, raconte l’auteur, mais je rêvais d’être journaliste. Je le suis devenu à l’âge de 20 ans. Quatre mois après le tsunami de 2011, j’ai fait un reportage à une cinquantaine de kilomètres de Fukushima. J’ai été bouleversé par la résilience et la force d’âme des Japonais. J’ai tenu à y retourner un an plus tard, à titre personnel. J’avais prévu de visiter plusieurs bâtiments de Tadao Ando et j’ai commencé par l’église de la lumière, à Ibaraki. Cette architecture rédemptrice fut un premier choc visuel. Je me suis alors mis à me documenter sur l’œuvre de Tadao Ando et, à partir de là, je n’ai cessé de repartir. C’est devenu une quête. »
Une quête certes, voire une obsession tant le travail de recherche est immense. En cela, le terme « atlas » employé pour le titre n’est pas exagéré. Les textes que le photographe adjoint à ses images relatent les innombrables voyages que ce dernier a dû faire pour tracer une cartographie des créations de l’architecte. Maisons, églises, temples, musées, théâtres, hôtels, stations de métro ou encore chemins de fer, l’inventaire des réalisations de Tadao Ando est considérable. À cette multiplicité des lieux répond le foisonnement des clichés. Cette démarche initialement personnelle prend forme au contact de l’éditeur Xavier Barral à qui l’ouvrage est dédié. « Je prenais ces photos uniquement par plaisir. Je me suis servi de mon smartphone, comme n’importe quel visiteur, confie Philippe Séclier. Cette approche sérielle me donnait l’idée d’en faire un atlas. Très rapidement, Xavier Barral s’est mis à travailler sur la maquette pour créer cette mosaïque d’images. »
Nagaragawa Convention Center – Gifu © Philippe Séclier © Tadao Ando Architect & Associates
Refléter l’âme humaine
En 2017, Philippe Séclier a déjà documenté plusieurs dizaines de bâtiments. Afin de poursuivre cette collection débutée cinq ans plus tôt, il lui faut trouver d’autres emplacements. C’est à ce moment qu’il saisit l’opportunité offerte par François Pinault et Jean-Jacques Aillagon (ancien ministre de la Culture) de rencontrer l’architecte. « J’avais rendez-vous dans ses bureaux à Osaka, se souvient-il. À l’époque, j’avais déjà photographié environ 80 bâtiments. Grâce à Tadao Ando, j’ai eu accès à quelques nouveaux sites. J’ai prolongé de mon côté mes recherches, en ayant parfois beaucoup de chance. » Des résidences privées ouvrent ainsi leurs portes. Le photographe découvre des constructions internationalement réputées. Il peut prolonger l’expérience et « s’approprier les espaces, le vide et le plein, la lumière, la matière et toutes leurs abstractions ».
Cette expérience de la lumière marquera également Tadao Ando à l’occasion d’une visite au Panthéon de Rome. Celui pour qui nous sommes dans le siècle du fer, du béton et du verre, voit en elle un élément essentiel de son art. Elle doit se combiner à l’ombre pour refléter l’âme humaine. Que la forme brute du béton armé nu n’induise pas en erreur, Tadao Ando prône une architecture en harmonie avec son environnement et au service des êtres. Comme il l’explique dans un entretien accordé au Centre Pompidou en 2018 à l’occasion d’une rétrospective : « Dans la mesure où l’architecture se destine à ceux qui y vivent, qui s’en servent, les liens au corps sont profonds. Ce n’est pas un monde abstrait, mais la superposition d’un monde concret sur le concept qui le fonde. Dans cette mesure, la corporéité est un élément essentiel. »
Atlas Tadao Ando, Atelier EXB, 49 €, 296 p.
Church of the Light – Ibaraki © Philippe Séclier © Tadao Ando Architect & Associates
JR Chuo Main Line Ryuo Station – Kai © Philippe Séclier © Tadao Ando Architect & Associates