Elena Perlino, artiste italienne, a photographié durant cinq ans le quartier parisien où se côtoient plus de trente ethnies différentes : la Goutte d’Or. Elle présente son analyse dans un ouvrage publié aux Éditions Loco, Paris Goutte d’Or.
Comment les quartiers se construisent-ils ? Comment sont-ils investis par les citadins ? Dans l’imaginaire commun, la Goutte d’Or est un quartier marqué par le conflit et les problèmes sociaux : alcoolisme, harcèlement, drogue, ou encore prostitution. Si Émile Zola le décrivait insalubre et miséreux dans L’Assommoir (1877), Elena Perlino le perçoit différemment. La photographe a préféré se concentrer sur le quotidien et la richesse du quartier parisien. Les images se succèdent sans textes, légendes, ni marges et marquent la tension et le dynamisme propre au lieu.
Les lieux développent des identités propres
La géographe Marie Chabrol évoque la gentrification du quartier de la Goutte d’Or dans un essai qui clôture le livre. Ses propos sont complétés par ceux de deux géographes urbanistes, David H. Kaplan et Charlotte Recoquillon. Ces derniers mettent en avant l’importance des groupes ethniques dans l’économie du lieu. Avec environ 30 000 habitants, la Goutte d’Or est l’un des quartier avec la plus grande densité d’habitants au kilomètre carré, devant d’autres quartiers parisiens ou Manhattan. La population de la Goutte d’Or est plus diversifiée que celle des banlieues d’Île-de-France. « La Goutte d’Or est un quartier hors-norme et surprenant. Le quartier était considéré comme “interdit” il y a quinze ans à peine. C’est là que la photographie permet de remettre en question les catégories prédéfinies et la perception du monde qui nous entoure », explique Elena Perlino. Face à la gentrification et à la hausse des prix, l’esprit du quartier est difficile à saisir. « Pendant cinq ans, un tiers des lieux et des personnes du quartier ont changé », note Elena Perlino.
Une synagogue, des voiles, un corps blessé, des torses nus, un drapeau algérien, des casquettes à l’envers, une boulangerie arabe, des vieux, des objets de piété, des couples ou encore des affiches. Elena Perlino a cherché à « photographier la grande variété humaine que l’on rencontre tous les jours et raconter la façon d’occuper l’espace, public et privé ». Entre l’image d’un espace insalubre et dangereux et le processus de gentrification dans lequel le quartier est engagé, Elena Perlino a trouvé la juste tension et le nerf du quartier.
Paris Goutte d’Or, Éditions Loco, 204 pages, 19€
© Elena Perlino