« Domesticated Land » : une dystopie signée Susan Lipper

« Domesticated Land » : une dystopie signée Susan Lipper

Susan Lipper, photographe américaine née en 1953, a réalisé entre 2012 et 2016 des photographies dans le désert de Californie. Domesticated Land (éditions MACK, 2018) réinvente l’imaginaire du paysage américain, traditionnellement construit par le regard masculin.

Dans Domesticated Land, troisième volet d’une trilogie entamée avec Grapevine (1988-1992) et Trip (1993-1999), Susan Lipper dévoile un monde apocalyptique où l’humain n’est présent qu’à travers ses déchets, et où le silence domine la scène. Les images, surexposées, restituent un paysage inquiétant et vide, aux horizons épurés. Morceaux de pneus, fils barbelés et appareils électroménagers y sont autant de décombres laissés par l’homme. En photographiant ces débris, la photographe démolit le récit traditionnellement masculin qui présente la nature californienne dans une perspective idéalisée, romantique et coloniale. Le projet, développé sur près de trente ans et terminé en 2016, a conduit Susan Lipper dans les forêts des Appalaches, jusqu’aux déserts californiens. L’objectif de son expédition ? Trouver et photographier la « vraie » Amérique à travers un regard personnel et féminin.

Un regard féminin sur le paysage américain

Les images de la photographe s’opposent à la nature puissante et majestueuse du parc de Yosemite dépeinte par Ansel Adams en 1979. Les pages de Domesticated Land alternent photographies et textes signés par des femmes, comme The Land Before Her d’Annette Kolodny (1984). « J’ai aussi été inspirée par l’essai de 1985 de Deborah Bright, Of Mother Nature and Marlboro Men, qui a souligné l’importance de points de vue subjectifs différents de la vision patriarcale établie », souligne Susan Lipper. « Pourquoi l’art de la photographie de paysage reste si singulièrement identifié à un œil masculin ? », s’interrogeait Deborah Bright. Selon cette dernière, le paysage américain est « une réserve masculine blanche exclusive ». Le travail de Susan Lipper s’est alors articulé autour d’une posture subversive et antipatriarcale. Le paysage n’est plus un espace grandiose, puissant et intimidant, mais un territoire de réflexion, ouvert à la critique. Bien que dépeint sous un halo d’inquiétude et d’abandon, il apparaît comme un environnement à se réapproprier et à protéger.

Domesticated Land, de Susan Lipper, éditions MACK, 40 €, 96 pages. 

© Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK © Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK © Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK © Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK © Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK © Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK © Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK © Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK

© Susan Lipper, Courtesy of the artist and MACK

Explorez
Mikiya Takimoto, en quête d’équilibre
© Mikiya Takimoto
Mikiya Takimoto, en quête d’équilibre
Photographe et chef opérateur japonais, Mikiya Takimoto explore en permanence les possibilités de l’image. Paysages silencieux...
17 avril 2025   •  
Écrit par Milena III
BMW ART MAKERS : Raphaëlle Peria et Fanny Robin révèlent la nature qui disparaît
Raphaëlle Peria, Arpenter le passé, grattage sur impression sur papier cuivré, 40x60cm, 2025 © Raphaëlle Peria / BMW ART MAKERS
BMW ART MAKERS : Raphaëlle Peria et Fanny Robin révèlent la nature qui disparaît
Raphaëlle Peria et Fanny Robin, l’artiste et la curatrice lauréates de la quatrième édition du BMW ART MAKERS, ont ouvert les portes de...
11 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le langage des fleurs selon des photographes de Fisheye
© Jana Sojka
Le langage des fleurs selon des photographes de Fisheye
Les photographes de Fisheye ne cessent de raconter les préoccupations de notre époque. Parmi les motifs qui reviennent fréquemment se...
20 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #498 : timides bourgeons
© Ellie Carty / Instagram
La sélection Instagram #498 : timides bourgeons
Les journées rallongent, les rayons du soleil transpercent les nuages, les feuilles renaissent sur les arbres nus, les fleurs montrent le...
18 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
12 expositions photographiques à découvrir en avril 2025
© Delali Ayivi
12 expositions photographiques à découvrir en avril 2025
L’arrivée du printemps fait également fleurir de nombreuses expositions. Pour occuper les journées qui s’allongent ou les week-ends...
Il y a 10 heures   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Marc Riboud : dix ans de conflit vietnamien dans une exposition
À la sortie de l'école dans un village de la côte, Nord Vietnam, 1969 © Marc Riboud / Fonds Marc Riboud au musée Guimet
Marc Riboud : dix ans de conflit vietnamien dans une exposition
Le musée Guimet des Arts asiatiques et l’association Les Amis de Marc Riboud s’unissent pour présenter l’exposition Marc Riboud –...
18 avril 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Mikiya Takimoto, en quête d’équilibre
© Mikiya Takimoto
Mikiya Takimoto, en quête d’équilibre
Photographe et chef opérateur japonais, Mikiya Takimoto explore en permanence les possibilités de l’image. Paysages silencieux...
17 avril 2025   •  
Écrit par Milena III
Basile Pelletier et Sølve Sundsbø conversent : « La curiosité est ma principale source d'inspiration »
Le linge, 2021 © Basile Pelletier
Basile Pelletier et Sølve Sundsbø conversent : « La curiosité est ma principale source d’inspiration »
Le jeune talent Basile Pelletier, 21 ans, ancien élève de la section art et image de l’école Kourtrajmé, échange avec le photographe...
17 avril 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas