Satanistes, vagabonds et hippies dans la Californie des années 1970

11 septembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Satanistes, vagabonds et hippies dans la Californie des années 1970

Les éditions Anthology republient California Trip, un ouvrage iconique de Dennis Stock, paru dans les années 1970. Un voyage sublimant la contre-culture américaine et son désir de liberté contagieux.

Connu pour son amitié avec James Dean et ses photographies de la scène jazz américaine – comptant notamment des portraits de Billie Holiday et Miles Davis – Dennis Stock a composé en 1970 son California Trip. Une errance dans l’État américain, berceau d’une contre-culture encore jeune. En 2019, les éditions Anthology republient cet ouvrage, devenu objet de collection. « Il s’agit d’un travail remarquablement ésotérique. Il fait le portrait d’une époque et d’un lieu – la Californie des années 1970 – qui était unique au monde », précise Jesse Pollock, directeur du développement des éditions.

Entre portraits spontanés et étranges abstractions, Dennis Stock capte l’identité du territoire. Nous sommes en 1968, et des manifestations fleurissent aux quatre coins du pays. Le peuple se soulève et proteste contre la Guerre du Vietnam, les Afro-Américains organisent le Civil Rights Movements, se battant pour leurs droits. En avril, Martin Luther King Jr est brusquement assassiné, un drame qui divise la nation. Des mouvements féministes naissent et osent s’exprimer. En août, le morceau Hey Jude des Beatles sort aux États-Unis, et devient rapidement numéro un des ventes. Une composition adoptée par le mouvement hippie, propageant une idéologie pacifique. Partout, les mœurs évoluent, et la contre-culture, influencée par ce contexte social singulier, croit.

© Dennis Stock / Magnum Photos

Transcender les époques

Surfeurs, satanistes, vagabonds et hippies peuplent alors cette Californie, devenue terre de refuge d’une société insatisfaite. Dès son arrivée sur le territoire, Dennis Stock s’immerge dans cette étrange atmosphère. « Le surréalisme apparaissait partout, la juxtaposition de différentes réalités engendrait le chaos », confiait-il à Magnum Photos. Son boîtier à la main, il capture alors l’essence du territoire, sa liberté farouche et son effervescence, son désordre et sa spiritualité. Avec ses portraits, il sublime la diversité des Californiens et leur incroyable désinvolture. Des clichés accompagnés de créations plus géométriques et minimalistes, représentant un espace en pleine modernisation.

Une certaine intemporalité se dégage de California Trip. Les images semblent capter les désirs profonds des modèles, transcendant ainsi les époques. C’est là le talent de Dennis Stock : il fige l’instant dans un lyrisme inattendu. En observant cette image d’une jeune hippie dansant sur une scène, le photographe expliquait d’ailleurs : « Elle est simplement montée sur cette estrade et a commencé à bouger. Cette image me rappelle le travail d’Henri Cartier-Bresson dans les mouvements de ses cheveux, de ses bras (…) Cette jeune femme est une sorte de ballerine contemporaine, et sa folie représente un fil rouge de mon travail : je ne me moque jamais des gens, et j’admire la beauté. » Un instant fugace, symbole d’une décennie iconique qui, encore aujourd’hui, s’impose comme un fantasme pour les nouvelles générations.

 

California Trip, éditions Anthology, 35 $, 110 p. 

© Dennis Stock / Magnum Photos

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