Pour réaliser Echo Mask, le photographe Jonathan Levitt a voyagé sur le territoire nord-américain, à la recherche d’une nature intacte. Un livre à la beauté farouche, porté par un récit mystique.
C’est la nature qui inspire Jonathan Levitt. Les territoires sauvages, leurs climats extrêmes et leurs recoins encore inconnus. Après avoir étudié le journalisme ainsi que l’anthropologie et l’histoire de la nourriture à l’université, le photographe a travaillé dans une ferme, puis en tant que cuisinier. Un rapport au monde animal qu’il entretient et développe à travers ses séries. « J’ai toujours utilisé le médium photographique comme un outil. Il y a environ dix ans, j’ai commencé à entrevoir sa capacité à créer des narrations construites », ajoute-t-il.
Plus intéressé par les histoires qui se dégagent des images que leur esthétique propre, l’artiste réalise ses clichés avec de vieux boîtiers argentiques 35 mm. Leur grain et leur faible luminosité apportant une texture presque palpable à ses créations. « J’essaie d’instaurer des éléments chaotiques dans mon travail, de capturer à la fois l’immobilité et le mouvement », précise-t-il. Des œuvres étranges, qui semblent osciller entre deux mondes, ou deux imaginaires, suspendus entre la vie et la mort. Au cœur de Echo Mask, les animaux photographiés, figés en plein mouvement, semblent sortir des pages sous nos yeux.
Une nature aussi belle qu’indomptable
Jonathan Levitt a parcouru les côtes maritimes du nord de l’Amérique, de Terre neuve au Maine pour réaliser cet ouvrage. « Certains clichés ont été pris dans l’Ouest américain, et d’autres suivent les migrations d’oiseaux, des forêts boréales au climat tropical du sud-est », précise-t-il. Un seul objectif en perspective : explorer les paysages intacts du nord du continent. En voyageant à pied ou en bateau, l’artiste s’est immergé dans un univers à part, où la nature aussi belle qu’indomptable semble encore gouverner. Baleines gigantesques, hordes d’oiseaux et ours polaires apparaissent çà et là, rares et majestueux.
Fasciné par la faune, la flore et les anciens mythes qui habitent ces lieux, le photographe se transforme en « conteur », s’immergeant sans concession dans ce mode de vie sauvage et solitaire – « les animaux morts de mes photos sont ceux que j’ai tué et mangé », confie-t-il d’ailleurs. Dans ce récit au grain prononcé, les ombres animales se font menaçantes, ou surnaturelles. Le froid perce les pages d’Echo Mask, laissant le lecteur frissonner face aux vastes étendues gelées. Il y a, dans les photographies de l’artiste, une présence fantomatique, presque effrayante. Une puissance inexplicable, prenant racine dans les rites anciens et les montagnes de neige. Elle domine l’Homme, presque absent du livre – qui n’ose apparaître que dans la pénombre d’une maison, ou l’œil d’un chien de traîneau – et enveloppe chaque image d’un voile surnaturel. Poétique et farouche, le récit de Jonathan Levitt donne à voir un monde singulier, porté par une histoire passionnante. Une narration hors du temps.
Echo Mask, éditions Charcoal Press, 75 $, 96 p.
© Jonathan Levitt