Faire vivre les souvenirs. Tel est le dessein de l’artiste-photographe franco-espagnole FLORE. Avec son dernier ouvrage Maroc, un temps suspendu, elle poursuit sa quête autobiographique. Un voyage qui l’amène au plus proche de son enfance vagabonde.
« J’essaye d’explorer le monde et le temps. J’aime particulièrement travailler le lien entre la photographie et la temporalité et j’aime la capacité qu’a le 8e art à créer une vérité qui perdure au souvenir », annonce FLORE. Avec son dernier ouvrage Maroc, Un temps suspendu, cette photographe, artiste vagabonde, fait une triple déclaration d’amour. « Ce livre est d’abord dédié à ma mère qui nous a quittés il y a peu de temps » confie l’artiste, qui a grandi au sein d’un atelier. Car sa mère pratiquait la peinture, la gravure, et la sculpture. « C’était une femme extrêmement aimante, et profondément consacrée à son art », ajoute-t-elle. Cette vie, ou plutôt cette passion d’artiste, la conduit en Égypte, puis au Maroc. « Je me rappelle de la traversée du Maroc que nous avons effectuée, alors que j’avais 12 ans, en 1975. J’ai vécu un choc assez grand, et j’ai apprécié en même temps de vivre cette liberté absolue. Je garde de ces instants un souvenir émerveillé pour la vie ».
Revenue en France depuis plusieurs années, FLORE a ressenti le besoin de créer un temps suspendu : faire des images qui perdurent, à partir de souvenirs effacés. Et dans cette quête artistique autant que personnelle, la photographe se nourrit en partie de la littérature. En témoignent les plumes qui rythment l’ouvrage… Frédéric Mitterand – pour la préface – Anaïs Nin, Édith Wharton, ou encore Nicole de Pontcharra. « La littérature est l’art qui me fait le plus voyager, et qui a accompagné ma solitude. Elle me permet d’être ailleurs, de rêver, et de pouvoir s’échapper de soi et de sa condition. Je réunis dans cet ouvrage des auteures que ma mère aimait profondément. Les textes réunis ici forment un ensemble cohérent », explique la photographe.
« Nous commençâmes de regarder la mer, au-delà d’un abîme de verdure précipitées jusqu’au rivage. Ils ont des âmes vagabondes, nobles, désintéressées, ceux qui sont promis à une sieste immobile sur des divans bourrés de laine fine, et qui contemplent le Méditerranée marocaine derrière leurs cils entreclos » – Colette
Un espace méditatif
« Nous vivons avec peu d’argent et pourtant, dans une telle profusion », ces mots signés Nicole de Pontcharra résonnent particulièrement avec les Polaroids de FLORE. Les couleurs et les textures révèlent la diversité du Maroc. Le livre entre les mains, le lecteur arpente le dédale des médinas et les allées des jardins exotiques, et (re)découvre les détails orientaux et les étendues sauvages. La mer ou la lumière si particulière accompagnent toujours cette déambulation. Et, parfois, une silhouette surgit, sans venir troubler cette atmosphère paisible, bien au contraire. « Cette image symbolise la beauté du vêtement comme celle de la posture. Cette femme ne regardait rien de précis, son immobilité m’a fascinée. J’ai toujours pensé que si elle n’attendait rien, un beau jeune homme allait finir par arriver », confie FLORE au sujet de cette femme de dos, exposée en couverture. Et puis, elle s’attarde sur une autre image : un paysage avec du ciel, et des plantes grasses. « Je suis heureuse d’avoir réalisé ce cliché, car il représente une sorte d’abstraction. Je sais que je pourrais regarder longtemps cette image. Il est épineux de s’approprier un territoire qui appartient à chacun. »
« J’aime les images qui laissent de l’espace, qui ne s’avancent pas trop vers le spectateur. Il faut laisser de la place au silence », précise l’artiste, qui livre avec ce travail une suggestion plus qu’un témoignage. Il est vrai que cet ouvrage apparaît comme un espace méditatif, voire spirituel, où chacun peut se confronter à ses propres souvenirs, marocains, ou non. Une approche contemplative qui n’empêche en rien à l’artiste photographe de poursuivre sa quête, son introspection.
Un travail à découvrir à la Galerie 127, à Marrakech, jusqu’au 11 janvier.
Maroc, un temps suspendu, Contrejour éditions , 35 €, 96 p.
© FLORE