Introspection poétique

01 juin 2018   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Introspection poétique

Amaury da Cunha, photographe français, présente, dans son livre Demeure, son univers à la fois sombre et poétique. Complétées par des vers de Sylvie Gracia, ses images racontent une histoire intime et désordonnée.

Pour Amaury da Cunha, la photographie est une affaire de famille. Son père, photographe, l’initie, dès son jeune âge à étudier la lumière, et à sensibiliser son œil à la composition. Poète, Amaury voit dans la photographie une beauté semblable à celle de la littérature. Ses clichés sont des approches, des expériences qu’il définit comme des « amorces de réponses à la question du réel ». « Faire une image, c’est tenter quelque chose, un geste, souvent simple en apparence », ajoute-t-il. Son livre Demeure s’inscrit dans ce parcours étrange, et donne à voir une mosaïque d’images à la narration éparpillée.

« J’avais le désir de faire un livre différent de ceux que j’ai déjà publiés », annonce Amaury. Les images y sont hétérogènes, sans lien les unes par rapport aux autres, prises à des époques différentes de la carrière du photographe. Et pourtant, une unité se dégage des pages. Une certaine noblesse, sublimée par les teintes sombres des clichés. Au creux des photos, cachés dans des plis japonais, se trouvent des textes de Sylvie Gracia, femme de lettres française, des vers qui viennent bercer l’ouvrage. « J’aime l’idée que derrière une image, il y a toujours une histoire », confit le photographe. « Les phrases de Sylvie en restituent des lambeaux, et éclairent ces photos en tentant d’en dissiper les zones d’ombres ».

Une autobiographie désordonnée

Qui sont ces modèles d’une beauté ténébreuse ? Quels personnages jouent-ils ? Demeure brouille les pistes, et Amaury laisser planer le doute. Pourtant, au fil du livre, un récit intime apparaît en contrepoint. Si les courts poèmes qui légendent les images ne sont pas de lui, ce rappel à l’écriture révèle l’importance des mots dans la vie d’Amaury. « La poésie est si souvent caricaturale, aujourd’hui », ajoute-t-il. « On accède parfois à elle lorsqu’on l’oublie ». En posant des mots sur les photographies, celles-ci s’organisent et lèvent le voile de l’intime. Ensemble, lettres et clichés présentent une sorte d’autobiographie désordonnée, un puzzle en morceau. S’il est difficile de dater les images et d’identifier les êtres, pour Amaury, une image est claire : « le livre commence par le portrait de Charles, mon frère disparu. La photographie a toujours à voir avec la perte. Cet ouvrage est peut-être un prolongement poétique, tourné vers la vie après la mort d’un être aimé. Comment pouvoir se reconnecter au monde après une telle épreuve ? » En s’interrogeant ainsi, le photographe propose une création complexe aux intonations mystérieuses. Un récit désordonné d’une profonde beauté.

@ Amaury da Cunha

 

 

@ Amaury da Cunha

@ Amaury da Cunha@ Amaury da Cunha

@ Amaury da Cunha@ Amaury da Cunha

 

 

@ Amaury da Cunha

Demeure, Éditions H’artpon, 35 €, 136 p.

© Amaury da Cunha

Explorez
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
© Lena Kunz
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
La revue Mouche, qui fait dialoguer le 8e art avec la poésie depuis quatre ans, lance sa maison d’édition Mouche Books avec comme premier...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici révèlent les corps et dénoncent les injonctions que nous leur collons. Ils et...
26 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
© Naïma Lecomte / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Naïma Lecomte : rendez-vous au bord de l’eau après les cours
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Naïma Lecomte. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste présente Ce qui borde à Planches...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
© Lalitâ-Kamalâ Valenta
Les coups de cœur #566 : Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan
Lalitâ-Kamalâ Valenta et Kordélia Phan, nos coups de cœur de la semaine, documentent des univers spécifiques. La première s’intéresse à...
24 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
La sélection Instagram #535 : surfaces texturées
© Laura Barth / Instagram
La sélection Instagram #535 : surfaces texturées
Les artistes de notre sélection Instagram de la semaine explorent la matérialité de la photographie. Du papier aux émulsions, en passant...
Il y a 2 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Twin Peaks, ambiguïté et nature morte : dans la photothèque de Stan Desjeux
Si tu devais ne choisir qu’une seule de tes images, laquelle serait-ce ? © Stan Desjeux
Twin Peaks, ambiguïté et nature morte : dans la photothèque de Stan Desjeux
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les artistes des pages de Fisheye reviennent sur les œuvres et les...
01 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
© Grant Harder
Les coups de cœur #567 : Himanshu Vats et Grant Harder
Himanshu Vats et Grant Harder, nos coups de cœur de la semaine, explorent la nature, et les liens qu’elle entretient avec les humains. Le...
01 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les images de la semaine du 24 novembre 2025 : héritage, métamorphose et nature
Anish © Arhant Shrestha
Les images de la semaine du 24 novembre 2025 : héritage, métamorphose et nature
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, les pages de Fisheye vous parlent d’héritage et de métamorphoses, et vous offrent même une autre...
30 novembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet