Découvert sur Fisheye il y a un an, le photographe grec Demetris Koilalous signe, avec Caesura – The duration of a sigh, un ouvrage rempli d’émotion, inspiré par ses rencontres avec des migrants, aux frontières de la Grèce.
C’est en 2015 que Demetris Koilalous rencontre, pour la première fois, les réfugiés arrivés à Mytilène. Il y découvre des hommes, des femmes et des enfants loin de leur pays natal qui s’accrochent à leur portable en quête d’un contact avec ceux qu’ils ont laissés là-bas. D’autres contemplent l’horizon, perdus dans leur pensée. Le photographe est immédiatement touché par l’odyssée qu’amorcent ces personnes, résolues à fuir un foyer inhospitalier. Une migration qui touche aujourd’hui plus de 65 millions de personnes « soit trois fois le nombre d’individus forcés à quitter leur pays après la Seconde Guerre mondiale », précise Bill Kouwenhover, l’auteur du texte à la fin de l’ouvrage. Un véritable fléau, transformant en purgatoire le temps passé sur les eaux étrangères.
Caesura – The duration of a sigh est composé de portraits et de paysages contemplatifs, portant le lecteur vers un univers solitaire, glacé et poétique. Les visages des migrants demeurent énigmatiques, tantôt déterminés, tantôt fermés. « Aucun d’entre eux n’endurent volontairement de voyages si périlleux », souligne Bill. « Personne ne mettrait ainsi sa vie en péril s’ils ne se sentaient pas en danger dans leur propre pays ». Demetris rencontre alors ses modèle alors qu’ils laissent leur passé de l’autre côté de l’océan, et font leur entrée dans un nouveau monde. « La Grèce devient le théâtre de ce drame épique », ajoute Bill. « Le pays d’Homer – lui-même brillant créateur de drames ».
Un souffle poétique
En se concentrant sur l’individu, Demetris insuffle un souffle poétique à son ouvrage. Profondément influencé par La terre veine, un poème de TS Eliot, il apporte une dimension lyrique à ses clichés. « La ressemblance était saisissante », confie le photographe. « Le paysage aride et allégorique d’Eliot est alors devenu la terre d’arrivée des migrants – une terre existentielle et métaphysique ». En janvier 2016, Demetris retourne à Mytilène sous une tempête de neige, et découvre un cimetière, jonché par les tombes des victimes de la migration. « Jamais je n’aurai soupçonné que les premières lignes du poème d’Eliot reviendraient ainsi à la vie », se souvient le photographe.
« Avril est le plus cruel des mois, il engendre
Des lilas qui jaillissent de la terre morte, il mêle
Souvenance et désir, il réveille
Par ses pluies de printemps les racines inertes.
L’hiver nous tint au chaud, de sa neige oublieuse »
À la fois puissant et tendre, Caesura – The duration of a sigh dresse un portrait d’une extrême sensibilité. Au cœur de sublimes paysages, des réfugiés nous font face. Leurs vies rassemblées dans de simples sacs à dos, ils font face à l’objectif avec bravoure. Une représentation pleine de dignité.
Caesura – The duration of a sigh, Éditions Kehrer, 39,90 €, 132 p.