The Heat Equation, opus hybride, réunit les créations de la photographe Joséphine Michel et de l’artiste sonore Mika Vainio. Une œuvre abstraite et hypnotique, réalisée en hommage au musicien, décédé.
« Écho visuel. C’est ainsi qu’on pourrait définir mon approche photographique ; je m’intéresse depuis une dizaine d’années à la relation entre l’image et le son »
, déclare Joséphine Michel. C’est en 2013 que l’artiste commence à travailler avec le compositeur et artiste sonore Mika Vainio. Ensemble, ils publient en 2015 un premier ouvrage-album intitulé Halfway to White. Une réflexion musicale inspirée par les images de la photographe. « En mars 2017, j’ai rejoint Mika à Oslo afin de réaliser son portrait pour la revue française Optical Sound. J’ai remis texte et image au journal le 11 avril, et Mika est décédé le lendemain », explique l’artiste.
Débute alors la conception de The Heat Equation, un second opus hybride, hommage conceptuel au musicien. Fascinée par les créations de son ami, Joséphine Michel s’est immergée dans une routine : « Écouter tous les matins un de ses albums, puis aller photographier des lieux en correspondance avec sa musique. Dans la nature, ou dans les musées de sciences », explique-t-elle. Comme un écho à leur première collaboration, l’ouvrage se construit autour du son, chaque cliché devenant un reflet de la musique, un élan créatif inspiré par les nuances, les notes et les bruits composés par l’artiste. « Il avait un imaginaire de la matière très vaste et profond », précise la photographe.
À la manière d’un champ énergétique
The Heat Equation
est profondément métallique. Les compositions sonores et visuelles se caressent et se hérissent, formant d’étranges figures. En construisant un univers exclusivement monochrome – « J’avais réalisé le portrait de Mika pour Optical Sound en noir et blanc, il est l’amorce de ce livre. Il m’a semblé absolument nécessaire de poursuivre sans couleur » – Joséphine Michel érige un monde envoûtant. Inspirée par la photographie japonaise des années 1950 à 1970, et par les images expérimentales et abstraites des années 1920, de Germaine Krull à Moholy-Nagy, elle tisse des liens entre microcosmes et macrocosmes, terre et astres. Transcendés par une bande sonore hypnotique et lancinante, les clichés semblent devenir des algorithmes, reprenant vie au boom lourd des basses.
« J’ai choisi de ne pas shooter les gens qu’il aimait, les lieux qu’il habitait, les instruments qu’il utilisait. Il y avait, dans sa musique, un grand imaginaire de la matière, qui est ici reflété comme une pellicule entre la mort et le vivant », confie la photographe. Préférant la suggestion, elle devient la créatrice d’un univers atypique, faisant fusionner hyperréalisme et abstraction. « J’ai pensé l’ensemble à la manière d’un champ énergétique : des additions, soustractions et combinaisons activent le livre à la manière d’un processus chimique », explique-t-elle. Face à ces phénomènes, bercé par la langueur sonore, le lecteur n’a d’autre choix que d’être emporté dans un espace chimérique, où musique et image ne font qu’un.
The Heat Equation, Label Touch, 33,33 £, 100 p.
© Joséphine Michel