« Au début de la pandémie, j’étais isolée avec ma fille dans une maison située au milieu de nulle part, tandis que mon mari travaillait à l’hôpital. Les incendies se multipliaient, et le mouvement Black Lives Matter reflétait les angoisses de notre famille métissée », se souvient Marion Faymonville. Aujourd’hui installée entre Sonoma County et San Francisco, la photographe allemande a profité de cette époque anxiogène pour se plonger dans l’histoire du médium, et celle de la suprématie blanche. Naît alors Black River. Un conte sombre et sublime, éclairé par le soleil brûlant de Californie. Plongées dans une pénombre zébrée par les rayons parvenant à vaincre le feuillage des arbres, les images deviennent les métaphores d’un récit complexe. Les corps, les plantes, les cordes fusionnent, interrogeant l’héritage du passé américain, tout comme la place de la femme face à l’objectif. « J’ai travaillé en tant que mannequin à New York. C’était un environnement surréaliste qui jouait avec les stéréotypes féminins pour créer un monde imaginaire soi-disant inspirant – la plupart des photographes étant des hommes », commente l’autrice. Aussi engagée que contemplative, Black River se lit comme une pause intense, en plein cœur du monde rural. Un retour à la terre nourricière portant malgré elle les tourments d’un monde injuste.
© Marion Faymonville