Denis Dailleux cultive son regard comme ses fleurs

13 février 2023   •  
Écrit par Milena III
Denis Dailleux cultive son regard comme ses fleurs

Denis Dailleux expose ses séries Misr et Le pouvoir des fleurs à la galerie Camera Obscura jusqu’au 4 mars 2023. Dans ces deux projets, le photographe capte la présence irrésistible des modèles et des choses qui s’offrent à son objectif.

« Suite à la rencontre amoureuse avec un Égyptien, je suis tombé sous le charme du Caire. » Ainsi s’ouvre la genèse de la série Misr par son auteur – un ensemble de photographies que l’on retrouve dans son dernier livre du même nom qu’il vient d’achever après trente années de travail. À la manière qu’a pu le faire l’écrivain Naguib Mahfouz, que le photographe cite volontiers, Denis Dailleux a arpenté, durant ces décennies, l’Égypte et ses différentes strates sociales. Les images qu’il capture pourraient d’ailleurs être les portraits des personnages de ses romans. « C’est dans [le quartier de Gamaleya, dans le vieux Caire] que j’ai photographié les ouvriers au travail, mais aussi les mariages, qui m’ont enchanté par l’exubérance de leurs décorations lumineuses et la saturation du son craché par les enceintes, dignes d’un film de Fellini, l’Orient en majesté, avec ses danseuses venant clore la fête comme autant de points d’exclamation », se remémore l’artiste.

Ce dernier reconnaît que le choc esthétique qui l’avait frappé en plein cœur lorsqu’il faisait son premier voyage en Égypte était certainement teinté d’orientalisme. Il tâchera de garder de ce premier regard un sentiment d’enchantement qui traversera toute son œuvre. Une voiture abandonnée dans la Cité des morts, un portrait d’Oum Kalsoum accroché dans un studio d’enregistrement qui semble déserté… Tant d’objets capturés dans une douce ambiguïté narrative, entre la prise sur le vif et la mise en scène, toujours à l’argentique. Tant d’éléments que Denis Dailleux s’attache à saisir dans leur présence irrésistible au coeur du chaos, de la misère ou du délaissement. « D’une manière générale, je suis entre-deux, tout le temps », nous confie-t-il.

© Denis Dailleux

Des êtres comme des fleurs

Les espaces de la galerie Camera Obscura, où se tient l’exposition, sont imprégnés d’une odeur délicate et difficile à décrire. C’est peut-être le parfum des fleurs, qu’exhument ces tableaux. « Quand j’étais petit, j’étais très attaché à mon jardin, et j’ai toujours gardé ce rapport très fort aux fleurs », explique l’artiste. À l’origine de Misr, contrairement à la série Le pouvoir des fleurs née d’une commande, il y a une sensibilité qui se laisse porter par l’humain, par le voyage et surtout par une nécessité qui lui vient de son intuition profonde. Mais cette seconde série ne nous déçoit pas pour autant : le photographe hume l’Inde, se laisse happer par ses couleurs – des nuances primaires imprègnent chacune de ses œuvres et créent le liant qui les rassemble –, s’abandonne à la beauté féminine de ses modèles majoritairement masculins. L’ancien horticulteur cultive les fleurs comme il sublime les corps : avec délicatesse, pudeur et exigence.

© Denis Dailleux

© Denis Dailleux© Denis Dailleux

© Denis Dailleux

© Denis Dailleux© Denis Dailleux

© Denis Dailleux

Explorez
Sebastião Salgado, cinquante ans de photographie humaniste
© Sebastião Salgado
Sebastião Salgado, cinquante ans de photographie humaniste
Du 1er mars au 1er juin, Les Franciscaines de Deauville présentent une exposition sur Sebastião Salgado en puisant dans les archives de...
04 mars 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
© Jana Sojka
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Jana Sojka, photographe dont nous vous avions déjà présenté les collages. Pour Fisheye...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
© Sébastien François
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
Sébastien François et Matthieu Baranger, nos coups de cœur de la semaine, ont fait de l’architecture urbaine la muse de leurs projets...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
© Diane Desclaux
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
Léna Mezlef et Diane Desclaux, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent en voyage. La première nous fait découvrir l’Amérique...
03 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Ocre : Maxime Antony tisse une mode picturale
© Maxime Antony
Ocre : Maxime Antony tisse une mode picturale
Dans un monde où l’image est souvent éphémère, Maxime Antony nous invite à ralentir. Avec sa série Ocre, le photographe compose un rêve...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
L'IA au service de la photographie de mode : chronique d'un outil créatif
Venus in braces (牙套中的维纳斯) © Nemo Chen
L’IA au service de la photographie de mode : chronique d’un outil créatif
L’intelligence artificielle révolutionne l’industrie de la mode, et par extension nos habitudes de consommation des images. Les artistes...
Il y a 7 heures   •  
Écrit par Marie Baranger
Taras Bychko : un patchwork d’instantanés pour définir l’émigration 
© Taras Bychko
Taras Bychko : un patchwork d’instantanés pour définir l’émigration 
Dans Where Paths Meet, Taras Bychko compose un patchwork d’instantanés et d’émotions pour définir les contours de l’émigration. Pour ce...
13 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Alessia Glaviano, l’œil Nouvelle Vogue
Portrait d'Alessia Glaviano © Marco Glaviano
Alessia Glaviano, l’œil Nouvelle Vogue
Alors que la neuvième édition du PhotoVogue Festival vient de s’achever, Alessia Glaviano, directrice de l’événement, revient sur son...
13 mars 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet