À l’heure de l’entre-deux-tours, ce projet tombe à pic. « Re-sensibiliser » le citoyen aux questions de migration, telle est la mission que s’est donnée le photographe et vidéaste Samuel Bollendorf à travers cette exposition. Pendant six mois, il a parcouru la route des Balkans et a photographié des lieux clefs du chemin emprunté par des millions de migrants : les abords de la Mer Egée, la ville de Calais ou les centres d’accueil grecs. Nous avons tous été frappés par l’image du petit Aylan échoué sur la plage. Après elle, d’autres photos ont suivi mais elles n’ont pas eu le même impact. Comme si elles n’opéraient plus et ne faisaient que glisser sur nous… La nuit tombe sur l’Europe est un cri de conscience, un acte citoyen pour Samuel Bollendorf qui a décidé d’aborder le sujet sous un nouvel angle.
Le dispositif scénique est à l’image du sujet : considérable. En plein passage de la Canopée, de grands panneaux mesurant 4 mètres sur 2 et posés à même le sol accrochent le regard. Car « pour stopper la foule, pour s’insérer dans le flux, il faut faire bloc », nous explique Samuel Bollendorf. Chacun de ces blocs sont composés d’une photographie de lieu et d’un témoignage. Les paysages déserts sont aussi éloquents que les textes, qui racontent crument le quotidien d’enfants, d’hommes et de femmes tentant de rejoindre l’Europe.
Pour le photographe, il s’agit d’une scénographie nécessaire pour que les visiteurs puissent « se figurer ce qu’il y a pu se dérouler ». L’expérience d’immersion est renforcée par la diffusion d’un film. Dans l’espace de projection, nous pouvons découvrir la mer et entendre la voix de Catherine Deneuve. Elle nous livre un récit à la première personne et nous permet ainsi de nous identifier à Maria, syrienne, qui a perdu son mari pendant la guerre et qui a eu des relations sexuelles forcées pour pouvoir traverser. Ou encore à Saïd qui a payé 10 000 $ pour embarquer sur un bateau avec sa femmes et ses enfants. Lui seul a survécu.
Une vague d’espoir dans une Europe à la dérive
L’exposition est à l’image du titre : alarmante. L’Europe aurait-elle oubliée d’assurer ses missions sociales et humaines ? Si la nuit est tombée sur l’Europe, elle est aussi tombée sur l’espoir de nombreux migrants. Une image pourtant contrebalance ce regard. Il s’agit d’un grand panneau dressé sur un terrain vague. Dessus, un mot : « hope ». Il est écrit de la main de migrants. Samuel Bollendorf, habituellement pessimiste, espère que cette exposition soit « suffisamment poignante et pédagogique » et fasse éviter un maximum le « vote de repli sur soi ».