La création photographique contemporaine d’Amérique latine conserve en grande partie une dimension politique et sociale. Les photographes témoignent de l’agitation qui traverse leurs différents pays. Sans avoir la prétention d’être exhaustive, l’équipe de Fisheye s’est mobilisée pour vous proposer une sélection de onze auteurs qui nous ont paru emblématiques de cette nouvelle génération d’artistes. Focus sur trois d’entre eux, à découvrir dans le dossier de notre dernier numéro.
Alex Almeida, Brésil
Né dans la ville portuaire de Santos, dans l’État de São Paulo, au Brésil, Alex Almeida, 45 ans, a suivi des études de journalisme avant de travailler dans de nombreux journaux et magazines du pays. Son enfance passée tout près de la forêt tropicale, caractéristique de la côte brésilienne, a développé chez lui « une relation sensorielle d’empathie avec la nature ». C’est à travers ses premiers pas de journaliste que son intérêt pour les conflits et les tensions sociales, issus de la croissance urbaine brésilienne face à la préservation de l’environnement, s’est développé. En particulier lors de son passage dans l’équipe de photojournalistes du quotidien Folha de S. Paulo. « J’ai eu l’occasion de parcourir différents panoramas de la vie amazonienne durant des années, après avoir développé des liens privilégiés avec les groupes ethniques indigènes, les quilombolas [les descendants d’esclaves en fuite avant l’abolition de l’esclavage au Brésil, en 1887, ndlr], les riverains et d’autres populations à l’intérieur du pays », ajoute le photographe.
© Alex Almeida
Luján Agusti, Argentine
L’œil de la jeune photographe Luján Agusti traverse l’Amérique latine de part en part. Née en Patagonie en 1986, à la pointe sud du territoire, elle travaille entre son pays d’origine, l’Argentine, et le Mexique au nord. Ses séries sont comme un jeu de pistes où l’artiste, en quête d’elle-même, montre la diversité des identités latino-américaines. « Je me suis intéressée au fait de pointer les problèmes d’une région qui ne seraient pas mis en lumière autrement », précise-t-elle.
Durant ses études d’histoire de l’art, Luján Agusti a exploré d’autres médias, comme la peinture, avant de se consacrer à la photographie. C’est le côté pratique et immédiat du 8e art qui l’a séduite. Elle a publié son premier livre en 2016, Un montón de ropa (« Beaucoup de vêtements »), sur la mort de sa mère ; et a gagné, la même année, le premier prix du livre photo au festival Encontros da Imagem, au Portugal. En 2017, elle a notamment reçu la bourse de Women Photograph et celle de la Lucie Foundation qui récompense les artistes émergents. Et, l’an dernier, elle a été choisie comme l’un des six jeunes talents d’Amérique du Sud pour le 6×6 Global Talent Program 2018 du World Press Photo. Peu de temps après, elle a débuté la série Salva tu alma (« Sauve ton âme ») sur le syncrétisme religieux au Mexique.
© Luján Agusti
Fabiola Ferrero, Venezuela
Née en 1991, au Venezuela, où elle est aujourd’hui installée, la photographe Fabiola Ferrero se consacre à l’analyse de l’évolution des sociétés lorsque celles-ci sont confrontées à un environnement hostile. Après s’être essayée au métier de journaliste, l’artiste a choisi de documenter les conflits à travers le prisme de la photographie. « Mais écrire est tout aussi important pour moi, précise-t-elle. Plusieurs de mes projets mêlent d’ailleurs mots et images. »
Sa série Blurred in Despair dresse un portrait sombre du Venezuela. « J’étudie les conséquences psychologiques de la situation actuelle de mon pays, explique la photographe. Selon une étude du psychologue vénézuélien Yorelis Acosta, le pays entier est tombé dans la dépression. » Une tristesse collective précipitée par la hausse de l’inflation, le manque de médicaments, et les quelque 20 000 meurtres par an qui hantent la nation. « L’hostilité croissante du quotidien a provoqué un traumatisme psychologique chez les citoyens. Ces derniers ont abandonné leurs rêves, pour s’adapter à ces nouvelles circonstances; la survie est devenue une priorité, et le bonheur, un simple concept », ajoute Fabiola Ferrero. « En tant que Vénézuélienne, observer ma famille se déchirer m’a bouleversée. Ne plus avoir d’amis ici, parce qu’ils ont tous fui… Marcher dans des rues qui me semblent étrangères… », raconte la photographe.
© Fabiola Ferrero
Ces articles, rédigés par Éric Karsenty, Ioana Mello et Lou Tsatsas, sont à découvrir dans leur intégralité dans Fisheye #35, en kiosque et disponible ici.