« Ascendance » : une histoire de luttes pour les droits humains

01 décembre 2022   •  
Écrit par Costanza Spina
« Ascendance » : une histoire de luttes pour les droits humains
La Fondation Manuel Rivera-Ortiz d’Arles présente Ascendance, un parcours photographique qui se penche sur la question des droits humains et du vivant. Un événement ancré dans l’actualité à découvrir jusqu’au 24 décembre.

Les droits humains sont les droits inaliénables de toute personne indépendamment de sa race, son sexe, son identité de genre, sa nationalité, son origine ethnique, sa langue, sa religion ou toute autre situation. Ils incluent le droit fondamental à la vie et celui à la liberté. Dans le monde contemporain, les droits sociaux et humains n’ont jamais été aussi précaires, ils demeurent questionnés et parfois révoqués y compris au sein des grandes démocraties – en témoigne l’annulation du droit à l’avortement dans beaucoup d’états des États-Unis. Certains de ces droits fondamentaux sont encore entourés de flou et ne sont pas pleinement appliqués : c’est notamment le cas de la liberté et de l’égalité entre les genres. Pour questionner ces enjeux, le programme Ascendance a réuni une quinzaine d’artistes photographes. Une manière pour la Fondation Manuel Rivera-Ortiz d’ouvrir le débat.

Des migrations en quête de libertés 

Le thème du départ et de la migration en quête d’une vie meilleure, est l’une des trames principales de l’exposition. Partout où les droits humains sont bafoués, les populations fuient en espérant reconquérir ainsi leur liberté, leur dignité, et pouvoir survivre aux persécutions raciales, misogynes, homophobes. À travers les migrations, il est possible de retracer une cartographie des droits des hommes et des femmes et de comprendre ce qu’il reste à faire dans les pays démocratiques. Laurence Rasti capte la précarité des existences des réfugié·es homosexuel·les iranien·nes à Denizli, une ville de Turquie par laquelle iels transitent en espérant atteindre l’Europe. Des vies suspendues, faites de tendresse discrète et de silences, au sein desquelles l’amour est omniprésent et pourtant interdit. Une série qui fait suite notamment aux déclarations de l’ancien président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, qui avait affirmé en 2007 à l’université de Colombie aux États-Unis : « En Iran, nous n’avons pas d’homosexuels comme dans votre pays.  »

La violence contre les personnes LGBTQIA + est le fil rouge d’un autre photographe prometteur présent dans l’exposition, Pierre-Kastriot Jashari, qui dresse quant à lui des portraits de jeunes kosovares homosexuel·les tiraillé·es entre le besoin de s’affirmer et la nécessité de se cacher. Le photographe joue autour de l’injonction bonu burrë !, qui signifie « sois un homme ! », et à travers la caméra ils donne à ses sujets la possibilité d’exister. Au Kosovo aussi, un imam avait publiquement affirmé que l’homosexualité n’existe pas dans le pays.  Grâce à des jeux de lumière, le photographe a réussi a garantir l’anonymat des personnes photographiées qui, si découvertes, pourraient subir la violence de leur entourage homophobe.

© Francesca Todde

© Francesca Todde

Cesser l’emprise toxique

Les images de réfugié·es qui fuient leur pays à la recherche d’une vie meilleure semblent constituer notre quotidien mais rarement on pose sur elles un regard attentif et empathique, capable d’imaginer ce que ces personnes endurent pour reconquérir leurs droits. Pour y remédier, Margot Lançon et Chloé Simonin nous plongent dans le parcours tumultueux d’une jeune érythréenne, Yerusalem, qui tente de s’adapter en Suisse, dans un pays complètement étranger au sien.  Yerusalem a demandé l’asile politique et son histoire, est celle d’une lente transformation. Florent Meng Lechevallier pose quant à elle son objectif sur l’une des zones de migration les plus violentes au monde, celle entre les États du Sonora au Mexique et la frontière de l’Arizona aux U.S.A. Ici, les migrant·e·s endurent la violence directe des polices de frontière et on ne compte plus les disparitions recensées. Cette série poignante se situe du côté de celles et ceux qui essaient d’apporter leur aide aux  migrant·es.

Ascendance, plus qu’une curation photographique à propos des humain·es, s’impose comme une subtile réflexion autour du vivant. Un voyage philosophique illustrant qu’il est impossible de respecter les droits des personnes si ceux des animaux et du reste du vivant ne sont pas également protégés. Les migrations, les violences systémiques, les dynamiques d’exploitations, dépendent en grande partie de ce que le système capitaliste fait endurer aux environnements et aux autres habitant·es de la planète. Ce basculement est le point tournant de l’exposition, incarné par les travaux de Francesca Todde, qui depuis des années immortalise la relation qui unit certain·es hommes et femmes aux animaux. Leurs langages se rencontrent avec une simplicité déroutante et riche d’empathie mutuelle.

Lors de ce parcours, l’Ascendance cesse alors d’être une emprise toxique des puissant·es sur les vulnérables pour devenir un désir d’élévation et de légèreté, la rencontre intergénérationnelle entre plusieurs photographes défendant les droits du vivant à travers leur objectif.

 

Retrouvez toutes les informations et la curation de l’exposition, à découvrir jusqu’au 24 décembre.

© Margot Lancon et Chloé Simonin

© Margot Lançon et Chloé Simonin

© Laurence Rasti© Francesca Todde

© à g. Laurence Rasti, à d. Francesca Todde.

© Pierre-Kastriot Jashari© Pierre-Kastriot Jashari

© Pierre-Kastriot Jashari

Image d’ouverture : © Francesca Todde

Explorez
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
Megapolis, Puteaux, 2025 © Aleksander Filippov
Le ministère de l’Aménagement du territoire fête les 80 ans de la Libération
À l’occasion des 80 ans de la Libération, les ministères de l’Aménagement du territoire et de la Transition écologique ont lancé...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Carmela, série Carmela © Emma Tholot
Les coups de cœur #558 : Marina Viguier et Emma Tholot
Marina Viguier et Emma Tholot, nos coups de cœur de la semaine, explorent la théâtralité comme outil de résistance, de liberté et de...
08 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
© Julie Wintrebert, Crazy Beaches, 2024 / courtesy of the artist and festival Les Femmes et la mer
Les images de la semaine du 1er septembre 2025 : le pouvoir des images
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, pour la rentrée, les pages de Fisheye se mettent au rythme du photojournalisme, des expériences...
07 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
© Bohdan Holomíček
Prix Viviane Esders : éclairer des trajectoires photographiques
Créé en 2022, le Prix Viviane Esders rend hommage à des carrières photographiques européennes souvent restées dans l’ombre. Pour sa...
06 septembre 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
The Rose Harvest © Annissa Durar
Annissa Durar : une cueillette visuelle de senteurs
La photographe américano-libyenne Annissa Durar a documenté, avec beaucoup de douceur, la récolte des roses à Kelâat M’Gouna, au sud du...
13 septembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
© Arpita Shah
Arpita Shah et la transmission des récits féminins
À travers sa série Nalini, la photographe indo-britannique Arpita Shah explore l’histoire de sa famille et des générations de...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
#paradise - curateur : Samuel Bollendorff.
Samuel Bollendorff : comment alerter sur la crise écologique ?
Le festival de photojournalisme Visa pour l’image revient pour sa 37e édition jusqu'au 14 septembre 2025. Parmi les 26 expositions...
12 septembre 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Couldn't Care Less © Thomas Lélu et Lee Shulman
Couldn’t Care Less de Thomas Lélu et Lee Shulman : un livre à votre image
Sous le soleil arlésien, nous avons rencontré Lee Shulman et Thomas Lélu à l’occasion de la sortie de Couldn’t Care Less. Pour réaliser...
11 septembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet