Jusqu’au 19 janvier 2025, le Jeu de Paume rend hommage à Chantal Akerman à travers Travelling. L’exposition célèbre le grand œuvre de l’artiste belge et accompagne l’inauguration d’une nouvelle salle de cinéma au musée, en soutien à la création indépendante.
En ce moment même et pour les trois prochains mois, le premier étage du Jeu de Paume est plongé dans l’obscurité. Quatre des cinq espaces sont meublés de télévisions cathodiques. Elles diffusent des films, en boucle. Leur nombre forme une cacophonie semblable à celle du monde. Elle prend le dessus, recouvre les conversations, le claquement des talons sur le sol, le froissement des vêtements d’automne et de pluie. Ce brouhaha nous force à la solitude. À défaut d’entendre clairement, nous devons nous concentrer sur les images, sur ce qui leur confère un caractère unique. Dans la première salle, la plus calme de toutes, sept écrans nous font face. Une femme est statique. Le cours de son existence est changé à jamais, les lumières vacillent. Pourtant, lorsque nous nous approchons, nous remarquons qu’il ne s’agit pas de la même scène, mais de variations sur le même thème. Sur le mur opposé, une jeune femme, en noir et blanc, se regarde dans le miroir. Elle est sans doute la seule dont la voix sonne distinctement. Elle commente son corps. Au fond, le tumulte du monde est perceptible. Il imprègne ces scènes de réflexion, parasite les pensées des protagonistes.
Une biographie renouvelée et éclatée
Chantal Akerman est l’autrice de ces films. Le Jeu de Paume lui rend hommage au travers de Travelling, une rétrospective qui permet d’en apprendre davantage sur son processus de création, sur la manière dont elle percevait le monde. L’ensemble des moniteurs des installations témoignent de son travail sur la fragmentation. Ce découpage de courts et longs-métrages et ce jeu sur l’espace invitent à penser son œuvre autrement, à la réinterpréter jusqu’à la faire nôtre. La nécessité des mots survient alors. Il faut nous extraire du vacarme ambiant pour donner une conclusion aux images mouvantes. La dernière salle fait ainsi lumière sur ses archives, inédites pour l’essentiel. Elles se composent de photographies de tournages, de coupures de journaux, de scénarios originaux, de notes personnelles, de nouvelles idées, et permettent une immersion dans l’univers éclectique de Chantal Akerman. S’adressant aussi bien aux personnes familières qu’étrangères à ses productions, l’exposition se présente finalement comme une biographie renouvelée et éclatée d’une cinéaste de renom qui aura marqué l’histoire du 7e art.