Au micro de « Regardez Voir » #108

21 août 2019   •  
Écrit par Julien Hory
Au micro de « Regardez Voir » #108

Cette semaine dans Regardez Voir, Brigitte Patient reçoit la photographe plasticienne Valérie Belin. À l’occasion de son exposition Painted ladies présentée aux Rencontres d’Arles, toutes deux reviennent sur le parcours de l’artiste française.

Après une formation aux Beaux-Arts de Bourges et un DEA de philosophie, Valerie Belin s’approprie le médium photographique pour construire son œuvre. Au départ, l’artiste se concentre sur des objets dont les propriétés plastiques sont révélées par la lumière. Ce n’est qu’avec sa série des bodybuilders réalisée en 1999 que la figure humaine apparaît dans ses images. Elle explique cette arrivée tardive dans son œuvre par sa formation centrée sur l’art minimal. « La représentation humaine était très taboue à l’époque, confie-t-elle. L’enseignement que j’ai reçu ne me permettait pas de représenter l’humain donc je suis sortie de l’école avec cette perspective de repeupler mon univers et ça s’est fait à travers les objets. (…) Par un effet détourné, ils évoquaient pour moi l’humain. »

Bien que, dans son travail, Valérie Belin place les êtres progressivement, par à-coups, les portraits ne font pas moins une entrée fracassante dans son œuvre. En témoigne la série de portraits intitulée Michael Jackson (2003). « Ce qui m’intéressait, c’était de travailler sur l’idée de la ressemblance. J’ai commencé à photographier des sosies de différentes célébrités, mais ça ne fonctionnait pas. Alors je me suis dit qu’étant données toutes les modifications que Michael Jackson avait subies, il était déjà un sosie de lui-même et qu’il suffisait de mimer cette transformation pour lui ressembler. Donc les sosies de cette série sont tous différents, mais ils ressemblent tous à Michael Jackson. (…) Il a voulu mimer le stéréotype de la beauté blanche. Dans cette série, on voit des gueules cassées, la destruction du mimétisme. »

© Valérie Belin

Petit à petit, le développement technique de la photographie et l’essor du digital impactent directement sa manière de réaliser ses images. Travaillant essentiellement en noir et blanc, Valérie Belin va s’autoriser la couleur. « Elle arrive en même temps que l’outil numérique. (…) Tout d’un coup avec Photoshop, cette maîtrise de la chromie de l’image m’a paru une porte ouverte à utiliser la couleur. » La photographe s’essaye alors à toutes les retouches et travaille la matière de ses images comme on ébauche une sculpture. « Je ne travaille jamais mes portraits en lumière du jour, j’ai besoin de beaucoup de lumière. (…) J’ai évolué vers un travail qui se fait à 50% à la prise de vue et à 50% en postproduction. » Elle collabore donc depuis plus de quinze ans avec un retoucheur, se refusant à maîtriser totalement les logiciels de retouche afin de ne pas influencer sa vison lors de la captation.

Les huit photos de la série Painted ladies exposées à Arles présentent des portraits retouchés de femmes à la mélancolie affichée. « Leur expressivité est totalement intériorisée. Ce qui m’a intéressé c’est de créer un personnage de toute pièce grâce à la peinture et la mise en scène. Tout est fabriqué à la manière d’un Frankenstein, en laboratoire.(…) Les visages de ces mannequins sont des supports. » Elle leur donnera le nom des outils numériques qui ont servi à modifier les images (Brush, InPainting…). Peut-être une façon pour elle de revenir à l’objet des débuts.


© Valérie Belin

© Valérie Belin

Explorez
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
© Jana Sojka
Dans l’œil de Jana Sojka : nostalgie filante dans la nuit floue
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Jana Sojka, photographe dont nous vous avions déjà présenté les collages. Pour Fisheye...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
© Sébastien François
Les coups de cœur #532 : Sébastien François et Matthieu Baranger
Sébastien François et Matthieu Baranger, nos coups de cœur de la semaine, ont fait de l’architecture urbaine la muse de leurs projets...
17 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
© Diane Desclaux
Les coups de cœur #530 : Léna Mezlef et Diane Desclaux
Léna Mezlef et Diane Desclaux, nos coups de cœur de la semaine, nous emmènent en voyage. La première nous fait découvrir l’Amérique...
03 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La sélection Instagram #491 : calendrier de la lune
© Thomas Cheung / Instagram
La sélection Instagram #491 : calendrier de la lune
C’est sous le signe du Serpent de bois, incarnant la sagesse et la réflexion, que s’ouvre la nouvelle année lunaire. Les artistes de...
28 janvier 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
Kara Hayward dans Moonrise Kingdom (2012), image tirée du film © DR
Wes Anderson à la Cinémathèque : quand le cinéma devient photographie
L'univers de Wes Anderson s'apparente à une galerie d'images où chaque plan pourrait figurer dans une exposition. Cela tombe à pic : du...
Il y a 8 heures   •  
Écrit par Cassandre Thomas
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
© Aletheia Casey
A Lost Place : Aletheia Casey évoque le traumatisme des feux australiens
À travers A Lost Place, Aletheia Casey matérialise des souvenirs traumatiques avec émotion. Résultant de cinq années de travail...
21 février 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Javier Ruiz au rythme de Chungking
© Javier Ruiz
Javier Ruiz au rythme de Chungking
Avec sa série Hong Kong, Javier Ruiz dresse le portrait d’une ville faite d’oxymores. Naviguant à travers le Chungking Mansions et les...
21 février 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
© Karim Kal
Karim Kal : paysages nocturnes de la Haute Kabylie
Le photographe franco-algérien Karim Kal a remporté le prix HCB 2023 pour son projet Haute Kabylie. Son exposition Mons Ferratus sera...
20 février 2025   •  
Écrit par Costanza Spina