Jusqu’au 30 avril 2022, les Douches la Galerie propose deux expositions parées de noir et blanc. L’une retrace la photographie surréaliste à travers les œuvres de douze artistes tandis que l’autre fait la part belle aux images de Bogdan Konopka. Un voyage sensible entre étrangeté et poésie.
Pour clore l’hiver et annoncer le printemps, Les Douches la Galerie présente deux nouvelles expositions, visibles jusqu’au 30 avril.. Parce qu’il faut bien commencer quelque part, arrêtons-nous un instant Aux Frontières du Réel. Sous ce titre, la galerie, et le commissaire de l’événement Éric Rémy, regroupent un corpus de photographies issues du mouvement surréaliste. Par les œuvres de douze artistes, le lieu entend interroger la place du médium photographique dans les pratiques de ce courant de la fin des années vingt aux années cinquante. Un parcours qui nous entraîne là où aucune littérature surréaliste théorique ne s’est immiscée concrètement.
En guise de rappel, Les Douches la Galerie, cite André Breton dans son Manifeste du Surréalisme : « Je le définis donc une fois pour toutes : SURRÉALISME, n. m. Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale ». Une voie qui va durablement, et encore aujourd’hui, marquer la création européenne et mondiale.
© Lucien Lorelle
La psyché des auteurs
Si nous connaissons les figures surréalistes par les écrits, mais surtout les arts plastiques, les réalisations photographiques sont souvent résumées aux grands noms dont Man Ray serait un chef de file. Pourtant, les préceptes énoncés par André Breton vont profondément servir le 8e art. Les acteurs de cette épopée vont exploiter de nouvelles techniques en photographie, la faire évoluer et valoriser le caractère artistique qu’elle veut se donner depuis ses débuts. Du photomontage à la surimpression, en passant par des clichés plus classiques, l’exposition livre une représentation hétéroclite. Surtout, on observe les expérimentations initiées par les artistes exposés ici. Par là, il ne faut pas entendre l’amateurisme, mais bien une recherche qui mêle une composition formelle souvent déstructurée et une exploration de la psyché de l’auteur.
Comme le souligne Éric Rémy, la photographie surréaliste, si tant est qu’elle puisse être nommée, « rend visible ce qui est par-delà le réel, elle est une passeuse et donne accès au monde de l’inconscient, du rêve. Une image qui introduit en nous le désir, révèle une part des rêves enfouis, bouscule nos représentations classiques pour nous conduire sur des chemins qu’on n’osait pas emprunter ou dont on ne soupçonnait pas l’existence ». Ainsi, Aux Frontières du Réel propose des clichés pluriels signés Pierre Boucher, Val Telberg, Raoul Ubac ou encore Willy Ronis pour ne citer qu’eux. Une façon d’ouvrir un monde onirique où les grands thèmes du surréalisme se retrouvent : le corps, la musique, les animaux aquatiques… Une exposition réussie qui permet de faire un saut dans le passé.
© Raoul Ubac
Courage et Honnêteté
Dans une autre salle de la galerie, une exposition personnelle consacrée à Bogdan Konopka rassemble des petits formats de l’artiste. Sous le titre Notes de Lumière, nous pouvons découvrir des photographies réalisées sur plus de 20 ans. Et une chose est évidente, ce photo-chimiste de formation maîtrise le médium. Des images sensibles par le regard et directes dans leur impression au contact. Venu de sa Pologne natale, Bogdan Konopka va suivre sa compagne Jacqueline en France en 1988, où il poursuivra son art. Elle sera sa guide dans cette Europe de l’ouest sans qu’il n’abandonne jamais le pays qui l’a vu grandir.
Compte tenu de leur taille, le spectateur devra s’approcher pour pénétrer cette atmosphère capturée à la chambre, aussi profonde et que radieuse. Comme l’écrit la critique d’art Magali Jauffret : « Il sait qu’il faut du courage et de l’honnêteté pour regarder la vérité en face en plongeant dans les recoins les plus sombres de son âme. Il dit : « Voir plus que ce qui est donné à voir, rentrer dans une sorte de transe où le regard perce l’épiderme des choses, se fait dans la durée, sans flash, et fait souffrir ». Une sincérité et une fidélité qu’il saura transposer ailleurs que dans le confort de sa patrie. Un réel plaisir que de contempler ce travail entre ces murs.
Aux Frontières du Réel et Notes de Lumière
Jusqu’au 30 avril 2022
Les Douches la Galerie, 5 rue Legouvé, 75010 Paris
© Bogdan Konopka
À g. © Pierre Boucher et à d. © Val Telberg
© Jean Painlevé
À g. © Pierre Boucher et à d. © Denise Bellon
© Val Telberg