Le 5 mai 2021 est sorti BAKA, un court-métrage réalisé par Hannah Rosselin, pour illustrer le morceau de la musicienne HSRS. Au cœur de cette œuvre immersive, tournée au Cameroun, les deux créatrices explorent et capturent l’univers fascinant des rêves.
La nuit tombe, les yeux se ferment. Le monde des songes s’écrase comme une marée sur le réel et engloutit nos certitudes. L’environnement s’obscurcit, se pare de tons mystérieux : des bleus, violets, rouges sombres reflétés par des néons lumineux – ceux qui révèlent notre espace familier. Et les corps, détendus, endormis, rêvent. Ils rêvent de jungle, d’explorations sauvages, d’immersion dans des aventures trépidantes. Entre torpeur et action, ils vivent, dans la sûreté de leur imaginaire, d’incroyables histoires. C’est cet entre-deux que la musicienne HSRS (pour High Self Reset System) et la réalisatrice Hannah Rosselin capturent, dans BAKA. Un court métrage tourné en seulement deux semaines au Cameroun, illustrant un morceau inspiré par les péripéties nocturnes de la musicienne. « Le texte est un mélange entre des tableaux de rêves que je faisais là-bas – d’animaux dangereux et de pygmées – de conversations téléphoniques qui préparaient mon voyage et de choses que les gens m’ont dites sur place », précise-t-elle.
Entre documentaire et fiction surréaliste, BAKA met en scène deux personnages principaux : un chasseur de rêve, et Mamie Wata, une mystérieuse sorcière noyée, pêchée dans l’océan, son miroir à la main. Au fil de la vidéo, des personnages s’ajoutent – ceux que l’artiste avait rencontrés durant son premier séjour dans le pays – et rejouent leurs propres songes. Une danse hypnotique, ouvrant les portes des possibles. Baignés dans des lumières irréelles, évoquant les teintes des nuits urbaines, les corps, les visages se délient et partagent leurs récits intimes. Lancinante, la musique d’HSRS sublime le décor, l’ostinato venant accentuer la sensation de torpeur, la dimension onirique de l’œuvre. Une rythmique envoûtante, enveloppant l’esprit pour mieux le préparer au sommeil imminent.
Des impulsions naturelles photographiques
« Lorsque je décide de collaborer avec quelqu’un, dans la mesure où je ressens des choses fortes, je choisis de faire confiance. Hannah impulsait les idées, et on discutait. Tout cela s’est produit de manière instinctive, même si la trame de l’histoire était écrite. C’est elle qui cadrait, qui ressentait des impulsions naturelles photographiques »
, confie HSRS. « Je travaille avec mon ventre, avec mes émotions, poursuit Hanna Rosselin. Je ne cherche pas à imiter, je pose ma caméra et je compose avec ce que je ressens. » Au cœur de sa réalisation, plans fixes et montages accélérés dialoguent et composent une narration immersive, des « tableaux qui emmènent le spectateur dans un ressenti moins concret, endormi », ajoute HSRS. Sur place, la beauté des paysages inspire les deux femmes, et leur donne une matière première remarquable. « Là-bas, l’art est partout, la nature est luxuriante et colorée, la jungle verte pétante vient se marier avec la terre ocre, c’est un spectacle immédiat », se remémore la musicienne. Un environnement qu’elles éclairent à l’aide d’un simple panneau LED, loin de toute source d’électricité. Çà et là, des symboles apparaissent à l’écran, comme des fils rouges mystérieux que le regardeur doit tenter de saisir au vol. Parmi eux, le miroir revient, comme un point d’orgue, allégorie des nombreuses interprétations qu’on rattache aux rêves, des multiples rôles que l’on endosse au cœur de nos songes.
Mais plus qu’une simple histoire, BAKA est une véritable collaboration. Un échange entre deux créatrices, venant nourrir leurs œuvres respectives. « Nous avons fabriqué ce film à deux. C’était une collaboration très belle, presque familiale. Nous avons beaucoup donné de nous dans ce voyage. C’était une chorégraphie. Travailler, mais surtout penser à l’autre, le respecter, et respecter ce qu’il nous donne, ne pas trop en demander, être le plus proche possible de la réalité », confie Hannah Rosselin. Et, plongé dans l’atmosphère chaude, presque suffocante des nuits camerounaises, le spectateur embarque dans des songes qui ne lui appartiennent pas, ressent, à son tour, l’exaltation qui naît du partage. Une expérience à part, construite à quatre mains, et amplifiée par les divagations de l’esprit humain, qui, d’un sommeil profond, ne cesse de rêver.
Captures d’écran de BAKA © HSRS / Hannah Rosselin