« Ces images témoignent de mon humanité »

14 juin 2019   •  
Écrit par Mélanie Baume
« Ces images témoignent de mon humanité »

À 30 ans, l’artiste bosnien Bojan Stojčić aime laisser sa marque. Il propose, dans sa série No Trace Promises The Path, des témoignages de son passage. Entretien.

Fisheye : Qui es-tu en quelques mots ?

Bojan Stojčić : J’ai 30 ans, et je vis à Sarajevo, en Bosnie-Herzégovine. Parfois, j’aime à me considérer comme un artiste. J’ai suivi des études de graphisme et de photographie le jour, et la nuit, je faisais partie d’un groupe de graffeurs. Et nous utilisions la photographie pour mémoriser notre passage. Une époque où les espaces urbains rassemblaient autant que sur les réseaux sociaux d’aujourd’hui.

Quelle relation entretiens-tu avec ce média ?

La photographie permet de capturer des fragments de vie, en suspension. À la différence des réalisateurs, écrivains, peintres ou encore sculpteurs, les photographes peuvent créer dans l’instant, indépendamment de leur conscience. C’est pour cela que ce média est un outil si puissant, et en même temps peu fiable.

Comment définirais-tu ton approche photographique ?

Je ne pense pas avoir une approche clairement identifiée et je n’ai pas d’appareil photo spécifique. J’utilise ce qui me tombe sous la main – j’alterne entre mon smartphone et des boîtiers plus professionnels. Chacun de ces outils possède son propre langage, et ce sont ces possibilités techniques que j’aime explorer. Il s’agit d’étendre le champ des possibles.

© Bojan Stojčić© Bojan

Comment est née ta série No Trace Promises The Path ?

J’ai ressenti un besoin fondamental de laisser ma trace. C’est lié à l’ego, certes, mais à la peur de l’oubli aussi. Grandir en tant que réfugié, et vivre dans un pays dans lequel je ne suis pas considéré comme citoyen, ne m’a laissé que peu de choix pour m’identifier. C’est pourquoi je souhaite autant laisser mes marques, telles des archives de mon existence. Ces images témoignent de mon humanité, de mon amour, et de mes espoirs. Parfois, c’est la chose la plus sincère que l’on puisse créer. J’utilise le 8e art pour immortaliser ces inscriptions à la nature éphémère, et pour les attacher à des lieux. J’ai réuni ces clichés dans un livre No Trace Promises The Path.

Devant la galerie Showcase, à Grenoble, tu as affiché une annonce pour rechercher des personnes avec lesquelles converser sur l’art par SMS. Peux-tu nous expliquer ce projet intitulé Seeking For a Person ?

On peut lire sur l’annonce : Young man (30) from Sarajevo, BiH, seeks a person to discuss art with. Text: 00 387 62 130 153  (jeune homme de 30 ans de Sarajevo, originaire de Bosnie-Herzégovine, cherche quelqu’un avec qui parler d’art, ndlr). La solitude m’a poussé à faire cela. Je ne parle pas de solitude personnelle, mais d’une solitude plus vaste liée à la standardisation de nos identités. L’Europe ne me voit qu’en tant que réfugié de guerre, criminel, ou bien encore ignorant. On attend de moi que j’assume ce rôle et ce passé. Et si j’étais plus que cela ? Mettre cette annonce était un moyen de questionner cette identité qui m’est imposée. Ma passion pour l’art me constitue et il était important pour moi de le partager.

 

Découvrez son livre No Trace Promises The Path , disponible ici.

© Bojan Stojčić© Bojan Stojčić
© Bojan Stojčić© Bojan Stojčić

© Bojan Stojčić© Bojan Stojčić

© Bojan Stojčić

Explorez
Jeanette Spicer : femme en trois corps
© Jeanette Spicer
Jeanette Spicer : femme en trois corps
Dans sa série au long cours To the Ends of the Earth, Jeanette Spicer a réalisé un projet ambitieux : capturer trois corps sur douze...
06 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Rebecca Topakian : le destin revisité de Dame Gulizar
Dame Gulizar and other love stories © Rebecca Topakian
Rebecca Topakian : le destin revisité de Dame Gulizar
Jusqu'au 21 décembre 2024, dans le cadre de PhotoSaintGermain et de Un Week-end à l'est 2024, Rebecca Topakian, photographe...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger
Jérémy Saint-Peyre et les cicatrices invisibles des traumatismes
© Jérémy Saint-Peyre
Jérémy Saint-Peyre et les cicatrices invisibles des traumatismes
Dans Là où même le bleu du ciel est sale, Jérémy Saint-Peyre s’intéresse aux « violences latentes », invisibles et douloureuses, qui...
03 décembre 2024   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dans l’œil de Sara Imloul : un portrait et sa catharsis
© Sara Imloul
Dans l’œil de Sara Imloul : un portrait et sa catharsis
Cette semaine, plongée dans l’œil de Sara Imloul, autrice de Das Schloss. Dans cette série, à découvrir en ce moment même à Deauville...
02 décembre 2024   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
© Eloïse Labarbe-Lafon
Motel 42 : Eloïse Labarbe-Lafon peint le décor d’un road trip
Composé d’une quarantaine de portraits pris dans des chambres durant un road trip, Motel 42 d’Eloïse Labarbe-Lafon s’impose comme un...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Jeanette Spicer : femme en trois corps
© Jeanette Spicer
Jeanette Spicer : femme en trois corps
Dans sa série au long cours To the Ends of the Earth, Jeanette Spicer a réalisé un projet ambitieux : capturer trois corps sur douze...
06 décembre 2024   •  
Écrit par Hugo Mangin
Mame-Diarra Niang : photographe de l'évanescence
© Mame-Diarra Niang
Mame-Diarra Niang : photographe de l’évanescence
Remember to Forget, à la Fondation Henri Cartier-Bresson, est la première monographie française de Mame-Diarra Niang. Dans ses séries...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Costanza Spina
Paris 2024 : Terrain de jeux pour les photographes
Sarah Aubel / Paris2024
Paris 2024 : Terrain de jeux pour les photographes
De l’émotion, du sport, un moment historique. Trois des 15 photographes commissionné·es par Fisheye Manufacture pour couvrir les Jeux de...
05 décembre 2024   •  
Écrit par Marie Baranger