Sous les paupières closes : un rêve surréaliste à Arles

02 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Sous les paupières closes : un rêve surréaliste à Arles
Two Dinners, 2024 © Nyo Jinyong Lian
Une acrobate avec une personne déguisée en singe
Photographie anonyme © Fringe

Du 7 juillet au 5 octobre 2025, la Fisheye Gallery ouvre son espace arlésien à quatre artistes émergentes : Eloïse Labarbe-Lafon, Anna Muller, Rose Mihman et Nyo Jinyong Lian. Leurs travaux, mêlant différentes pratiques du 8e art, interrogent les frontières entre le réel et la fiction. Elles participent ainsi à redéfinir les contours d’un surréalisme photographique contemporain.

Eloïse Labarbe-Lafon, Anna Muller, Rose Mihman et Nyo Jinyong Lian explorent des territoires sensibles et intimes, parfois troublants. Chacune développe une approche singulière, où la mémoire, l’imaginaire, le subconscient et la fiction deviennent des matériaux de création. À travers leurs œuvres, elles contribuent chacune à leur manière à la redéfinition d’un surréalisme contemporain. À quatre voix, elles conçoivent l’exposition Sous les paupières closes, un rêve collectif qui prend vie à la Fisheye Gallery d’Arles du 7 juillet au 5 octobre 2025. Manipulation sur image, peinture, collage et inspirations tout droit sortie des contes de fées, les artistes s’emparent de l’illusion pour mieux interroger, voire déstabiliser, notre rapport au réel. En parallèle de cette exposition principale, la Fisheye Gallery s’associe à Fringe, galerie d’archives photographiques anonymes, pour présenter une sélection d’images en lien avec la thématique du songe, du costume, du surréalisme et du burlesque. Enfin, une dizaine de films photo Focus, produits par Fisheye, sera projetée en continu dans l’espace de la galerie. Ce format immersif, entre vidéo et podcast, permet de découvrir une série à travers la voix de son auteur·ice, entre récit personnel et expérience visuelle. On y retrouve, entre autres Marine Lanier, SMITH, Anaïs Boudot, Zoé Chauvet ou encore Ulrich Lebeuf.

Une femme qui marche sur un toit. Peinture sur photographie
Bell Without a Sound (Sicily), 2025 © Eloise Labarbe-Lafon
Deux personnes debout sur un banc, l'une avec une tête de cochon, l'autre avec un accordéon.
La Cérémonie © Rose Mihman

(Auto)portraits picturaux

Le portrait et l’autoportrait constituent un moyen de révéler les émotions, questionner le corps et sa place entre le réel et l’imaginaire. Eloïse Labarbe-Lafon est une artiste photographe dont le travail interroge la préciosité de l’image-objet. Elle fige des instants sur pellicule argentique noir et blanc, qu’elle transforme ensuite en les colorisant à la peinture à l’huile, appliquée minutieusement au pinceau ou du bout des doigts. Se mettant en scène devant l’objectif, elle confectionne des mondes intimistes à la lisière du fantastique, où le corps devient à la fois la matière, le masque et le récit. Pour l’artiste, le surréalisme est « une manière de déplacer les repères, de faire surgir autre chose dans le cadre. Les images construisent un univers parallèle, chargé, où la réalité est glissante, recomposée. Le corps y est souvent désaxé, dissocié de son environnement, comme pris dans une tension ». Rose Mihman, elle aussi, s’empare des corps et des visages, d’ordinaire les siens. En fin de cursus aux Goblins, la jeune artiste incarne des figures excentriques et chimériques et intègre des objets chinés dans les brocantes – elle a elle-même été antiquaire aux puces de Saint-Ouen. « L’imaginaire est au cœur de ma pratique, soutient-elle. Je m’inspire de mes rêves, de mes fantasmes, de mes lectures et de mes échanges, qui insufflent sans cesse de nouveaux scénarios. » Elle convoque un univers hanté de silhouettes spectrales, de décors poussiéreux, de sensualité vénéneuse, dans une atmosphère rappelant les vapeurs d’absinthe et d’opium de la Belle Époque. Flirtant avec le grotesque, l’absurde et le merveilleux, son esthétique captive autant qu’elle dérange.

Une personne allongée
Zoé Bleu Arquette. Une nuit étoilée, 2025 © Rose Mihman
Peinture sur photographie, deux femmes tissent des rubans avec les doigts
Diane & Luna IV © Eloïse Labarbe-Lafon
Personne qui fait des sculptures de ballons rouges
Trim, 2024 © Nyo Jinyong Lian

Contes de fées et peintre espagnol

Ce surréalisme photographique s’inspire des contes de fées et des peintres pionnier·ères du mouvement artistiques. Nyo Jinyong Lian revisite Les Habits neufs de l’Empereur, écrit en 1837 par Hans Christian Andersen, et compose son projet Trust Me. Elle y révèle les absurdités du quotidien avec humour et étrangeté, interroge les normes sociales, en particulier celles de genre et les dynamiques de pouvoir qui les façonnent. Loin d’être une échappatoire, l’imaginaire devient pour elle un outil de lucidité et de critique sociale. « C’est un jeu, certes, mais un jeu qui dévoile les règles invisibles qui nous gouvernent », précise-t-elle. Se concentrant sur des figures féminines ambivalentes, elle aborde avec subtilité des sujets liés à l’intimité, au doute et à l’aliénation. Anna Muller, elle, s’inscrit dans la continuité de mouvement surréaliste, puisant son inspiration dans le travail de Salvador Dalí. Lors de sa résidence au festival InCadaqués, en Espagne, elle imagine une série de collages oniriques et déstructurés, souvent élaborés à partir de photos issues de la mode. Elle détourne des pages de magazines vouées à l’oubli pour leur offrir une seconde vie. Une pratique qu’elle considère comme étant à la fois durable et profondément personnelle. « Je me trouve dans un certain espace, entouré d’éléments et d’images que je sélectionne et combine avec mon cœur, sans aucune logique. À ce moment-là, il n’y a pas de pensée, tout se passe au-delà de ma conscience. Je ressens seulement avec mes tripes, et c’est à travers ces seules sensations que je saisis ce qui se passe », confie-t-elle. Processus presque enfantin, inspiration puisée dans les contes de fées, autoportraits et mise en scène comme rituels d’exploration, autant de démarches portées par le rêve, la fable ou le fantasme conversent en marge des Rencontres d’Arles à la Fisheye Gallery.

Collage de mains sur une toile d'araignée.
Connection, 2024 © Anna Muller
Collage, cartes, montagne, et corps habillé de rouge
Promenade, 2016 © Anna Muller
À lire aussi
Lee Miller, mélancolie débordante et chambres d'hôtel : dans la photothèque d'Éloïse Labarbe-Lafon
Diane et Luna, 2023 © Eloïse Labarbe-Lafon
Lee Miller, mélancolie débordante et chambres d’hôtel : dans la photothèque d’Éloïse Labarbe-Lafon
Des premiers émois photographiques aux coups de cœur les plus récents, les auteurices publié·es sur les pages de Fisheye reviennent sur…
12 mars 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Archevêché by Fisheye : une 2e édition haute en couleur
© Marie Meister
Archevêché by Fisheye : une 2e édition haute en couleur
Du 7 au 12 juillet 2025, Fisheye investit la cour de l’Archevêché, lieu de rendez-vous incontournable du ()ff des Rencontres d’Arles, au…
19 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Atmosphère dérangeante et éléments surréalistes : l’influence de David Lynch
© Shaoqi Hu
Atmosphère dérangeante et éléments surréalistes : l’influence de David Lynch
David Lynch fait partie des cinéastes qui ont su marquer l’histoire du 7e art en y imposant leur style. Son esthétique aisément…
21 mai 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Jeune amour, 2024 © Nan Goldin. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Gagosian.
Nan Goldin, lauréate du prix Women in Motion 2025, présente Syndrome de Stendhal
Ce mardi 8 juillet, Nan Goldin a reçu le prix Women in Motion au Théâtre Antique d’Arles, qui affichait complet. À cette occasion...
11 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Erica Lennard : « L'amitié féminine était une réalité que nous vivions pleinement »
Elizabeth, Californie, printemps 1970. © Erica Lennard. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / La Galerie Rouge.
Erica Lennard : « L’amitié féminine était une réalité que nous vivions pleinement »
Erica Lennard présente Les Femmes, les Sœurs à l’espace Van Gogh dans le cadre de la 56e édition des Rencontres d’Arles. L’exposition est...
11 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les coups de cœur #549 : Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella
Andrea © Ainhoa Ezkurra Cabello
Les coups de cœur #549 : Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella
Ainhoa Ezkurra Cabello et Bérangère Portella, nos coups de cœur de la semaine, saisissent l’intime, les corps et les relations aux...
07 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nous autres, une ode à l'amitié et à la mémoire queer
Autoportrait avec JEB, E. 9th Street, New York, 1970 © Donna Gottschalk, Courtesy de l’artiste et de Marcelle Alix
Nous autres, une ode à l’amitié et à la mémoire queer
Avec Nous Autres, Donna Gottschalk et Hélène Giannecchini avec Carla Williams, présentée jusqu’au 16 novembre 2025, le Bal signe une...
04 juillet 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Les coups de cœur #550 : Guillaume Hutin et Ali Beşikçi
Masumiyet © Ali Beşikçi
Les coups de cœur #550 : Guillaume Hutin et Ali Beşikçi
Guillaume Hutin et Ali Beşikçi, nos coups de cœur de la semaine, ont au centre de leur pratique la notion de dialogue. Si le premier fait...
Il y a 1 heure   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Les images de la semaine du 7 juillet 2025 : sous le soleil arlésien
The Last Cosmology © Kikuji Kawada
Les images de la semaine du 7 juillet 2025 : sous le soleil arlésien
C’est l’heure du récap ! À l’occasion des Rencontres d’Arles, nous avons sélectionné une série d’expositions, aux sujets et...
13 juillet 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Ma yëë tunjoty, ma yëë kopkjoty, 2020. © Octavio Aguilar. Avec l’aimable autorisation de l’artiste / Parallel Oaxaca.
Octavio Aguilar remporte le prix Découverte Roederer
Pour la deuxième année consécutive, les Rencontres d'Arles mettent en lumière les sept finalistes du prix Découverte Fondation Roederer à...
12 juillet 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Rencontres d'Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
Montagne de Corte, Corse, 2022. © Jean-Michel André. Avec l’aimable autorisation de l’Institut pour la photographie / Galerie Sit Down.
Rencontres d’Arles 2025 : les coups de cœur de la rédaction
En parallèle de ses articles sur la 56e édition des Rencontres d’Arles, qui se tient jusqu’au 5 octobre 2025, la rédaction...
12 juillet 2025   •