Avec sa série Chicago Love Rooms, Liza Moura part à la rencontre de l’Amérique vintage. À travers ses clichés de motels défraîchis, la photographe propose à sa façon une visite de ces lieux emblématiques à l’image ternie. Un rêve de façade made in U.S.A.
On ne compte plus les films dans lesquels des scènes se déroulent dans des motels. Lieux de rendez-vous ou de halte, ils installent souvent une rupture ou une transition dans la grammaire cinématographique. Psychose d’Alfred Hitchcock, Casino de Martin Scorsese, Scarface de Brian de Palma… autant de références qui ont construit la légende de ces hôtels destinés à accueillir les automobilistes de passage (motel : motor + hôtel). Difficile de ne pas penser aux États-Unis devant une image de motel. Ils portent en eux toute une symbolique qui se retrouve au cœur du travail de la photographe d’origine brésilienne, Liza Moura, dans sa série Chicago Love Rooms. L’artiste n’a pas échappé au pouvoir d’attraction de ces bâtiments.
« Enfant, quand je regardais les films américains, les motels suscitaient en moi une réelle fascination, explique-t-elle. Mais c’est sur place que j’ai découvert leur histoire fantastique. » Cette histoire, c’est celle de l’Amérique prospère qui sombre dans la violence puis dans l’oubli. Au milieu du 20ème siècle, ces hôtels flambant neufs poussent dans les villes et au bord des routes. Voyageurs, musiciens en tournées, familles en vacances, tout le monde, pour peu qu’il en ait les moyens, plébiscite ces lieux d’hébergement provisoire souvent aménagés sur le même modèle. Cette standardisation est la base formelle du projet Chicago Love Rooms débuté en février 2019 et présenté cette année à l’occasion de Fotofever : « L’idée de cette série était de capter les éléments communs à ces lieux : les enseignes lumineuses, les façades, les portes, les chariots de nettoyage… »
Une Amérique en perdition
Dans les années 1980, une autre réalité se révèle. Les motels apparaissent plus dans les chroniques judiciaires que les publicités touristiques. Crimes, trafics de drogue, prostitution… les motels sont le théâtre d’une Amérique en perdition. « En 1998, la ville de Chicago a décidé de mettre fin à cette délinquance et a commencé à racheter les motels. Mais au lieu de les entretenir, elle les a détruits pour y installer des postes de police ou des bibliothèques. Neuf ont survécu après avoir refusé les offres de l’administration. Mais pour combien de temps encore ? »
Cet abandon volontaire a décidé la jeune photographe à rendre hommage à ces vestiges d’une époque qui a aussi vu l’explosion de la photographie couleur. Si, dans ce travail, Liza Moura se focalise sur les extérieurs des motels selon un protocole systématique, elle compte poursuivre son exploration. Prochaine étape, dévoiler ce qui se cache derrière ces façades et ce qui se trame dans les chambres. S’inscrivant dans une démarche essentiellement documentaire, ses projets à venir revêtent également une dimension sociale et politique, notamment via son travail avec les vétérans de l’armée américaine, les sans-abris, et la communauté brésilienne à Paris.
© Liza Moura