Après avoir grandi au Canada, puis au Royaume-Uni, Teresa Eng s’est rendue en Chine – pays de ses origines – pour explorer ses racines. Avec China Dream, elle signe un conte onirique, inspiré par sa propre expérience et la politique d’urbanisation du pays.
« J’ai voyagé en Chine entre 2013 et 2017 – souvent à l’occasion de résidences artistiques – pour explorer mes liens ancestraux avec ce pays. Mes parents sont tous deux nés dans la province du Guangdong, située dans le sud du territoire, et ont déménagé à Hong Kong lorsqu’ils étaient enfants, suivant le flux migratoire des Chinois fuyant la révolution communiste »
, raconte Teresa Eng. Après avoir grandi au Canada, l’artiste a poursuivi ses études de photographie à Londres, où elle réside aujourd’hui. Une éducation occidentale qui contraste avec ses origines. « Bien que ma famille vienne de Hong Kong, j’étais curieuse d’explorer moi-même la Chine, souvent imaginée à travers le prisme négatif des Hongkongais », précise-t-elle.
China Dream, récit sensible aux tons pastel, s’impose comme une immersion dans un pays fait de contrastes. Un espace étrange pour la photographe, à la fois familier et inconnu. « Ce travail est né du sentiment d’être à cheval entre deux cultures, sans jamais vraiment me reconnaître dans l’une d’elles », ajoute Teresa Eng, qui, lors de ses premières visites en Chine fait l’expérience d’un « choc culturel inversé ». « J’avais l’air chinoise, mais je ne parlais pas la langue, et les manières dont je m’habillais et me tenais étaient différentes », explique-t-elle.
Un récit aux nombreuses lectures
Dans les images de l’artiste, la jungle urbaine se mêle aux paysages naturels, et les écailles des poissons aux briques des murs de béton. Un nuancier de teintes douces, croisant les sphères publiques et intimes. Pourtant, si le titre de la série évoque cette atmosphère onirique, China Dream fait également référence à la politique du pays. « J’ai découvert cette expression à l’intérieur d’un calendrier patriotique, dans une librairie. C’est un terme qui a été popularisé par le Secrétaire général Xi Jinping en 2013. Il défend les notions de labeur et d’esprit entrepreneurial – deux éléments qui permettraient de rendre la nation prospère », confie Teresa Eng. Une propagande qui lui rappelle le mythe du rêve américain.
Malgré leur douceur, les images s’inspirent de cette idéologie. Une palette de couleurs évoquant soudainement les nuages de poussières d’un espace en constante construction. Celle-ci illustre cette dichotomie entre la croissance rapide d’un territoire, magnifié par son gouvernement, et la qualité de vie de ses habitants. En jouant avec le genre poétique, Teresa Eng dispose ses images comme des indices, des symboles qu’il nous faut décrypter. Loin d’être une critique directe, la série se lit comme un récit métaphorique, aux nombreuses lectures. Un conte délicat, influencé par « les traditions culturelles héritées de mes parents, les stéréotypes liés à la Chine, avec lesquels j’ai grandi au Canada et au Royaume-Uni, et l’urbanisation fulgurante de mon pays d’origine », conclut la photographe.
China Dream, Éditions Skinnerboox, 45€, 112 p.
© Teresa Eng