Sujets insolites ou tendances, faites un break avec notre curiosité. Installée à Londres, l’artiste ukrainienne Anna Bu Kliewer crée de nouvelles identités à l’aide de collages dans lesquelles des silhouettes féminines se confondent à des bouquets de fleurs et des formes organiques.
« La dualité entre la fragilité et la force de la nature me fascine. Elle m’évoque presque un état émotionnel. Vivre dans une grande ville avec tant d’informations visuelles nous pousse à rechercher le calme et la sensibilité loin de l’urbanité », commence Anna Bu Kliewer. Dans l’œuvre de l’artiste-collagiste, cette envie de renouer avec les espaces sauvages est telle que ses muses ne font qu’un avec les éléments qui les composent. Terrain fertile, au cœur de cet univers fantasque et coloré de jeunes filles en fleur, le corps pourvu d’un luxuriant feuillage ou drapé d’écume, jaillissent de toute part. Ils suivent les songes de leur créatrice, « toujours vifs et irréels ». « Mes tableaux dépendent aussi des matériaux que je source et découpe, ils sont le fruit d’un concours de circonstances », explique-t-elle.
Une allégorie de la condition postmoderne
Si ses étranges chimères déclinent non sans ironie les variétés de fleurs, elles dévoilent également tout un champ de personnalités, cultivées au gré de son histoire. Née en Ukraine et élevée en Allemagne, Anna Bu Kliewer se définit comme une « Gerkainian » – contraction de l’anglais « German » et « Ukrainian ». Abreuvée par la mélancolie de sa terre natale et le pragmatisme de son pays d’adoption, ses racines ont fait naître en elle une inclination inconsciente pour le paradoxe et l’oxymore. En ce sens, les figures anonymes d’Anna Bu Kliewer traduisent une identité plurielle dans son irrépressible liberté. « En supprimant les carcans visuels, on se défait des normes sociales de beauté et on agit comme une radiographie qui permet de voir au-delà de l’expression faciale et de l’apparence de quiconque », assure l’artiste.
Dans l’idée que l’intime a résolument trait à l’universel, l’artiste prolonge son entreprise en permettant à celui ou celle qui contemple d’y apposer ses propres fantaisies. « Ôter les visages peut également être perçu comme une allégorie de la condition postmoderne », ajoute notre interlocutrice. Pareil à une multitude de miroirs, ses collages donnent à voir, en contrepoint, le reflet d’une société caractérisée par « un flux et une surconsommation de culture visuelle permanents et, en conséquence, une destruction de la nature ». Dès lors, les silhouettes que l’on pensait florissantes prennent un air grave. Le végétal coloré semble reprendre ses droits sur les corps de celles et ceux qui le dénigrent et témoigne irrémédiablement de l’urgence d’agir en faveur de la planète.
© Anna Bu Kliewer