Les fragments heureux de Vanessa Stevens

Il y a 4 heures   •  
Écrit par Milena III
Les fragments heureux de Vanessa Stevens
© Vanessa Stevens
© Vanessa Stevens

Grâce à ses collages, Vanessa Stevens s’affranchit des récits pour explorer les formes et les matières. Une pratique contemplative qui détourne l’image afin de révéler une beauté radicale, née de la sobriété et d’une profonde sensibilité.

Vanessa Stevens travaille dans la création d’images dans les domaines de la mode, de la beauté et du luxe. Mais lorsqu’elle n’est pas aux manettes de son agence créative, elle s’adonne à un plaisir beaucoup plus intuitif : le collage. Les siens, simples et pourtant particulièrement évocateurs, ne cherchent pas à raconter quoi que ce soit mais créent des sensations. Cet exercice, qu’elle qualifie elle-même de « presque méditatif », est guidé par une seule règle qu’elle s’est imposée : n’utiliser que des bandes de 2,5 cm de large, issues d’images prédécoupées, principalement extraites de magazines. Cette contrainte, au lieu d’être un carcan, devient un moteur pour l’imagination. Elle l’explique ainsi : « L’acte et le processus de création peuvent être si vastes, avec tant de possibilités infinies, que cela peut être intimidant », explique-t-elle. En réduisant le champ des possibles, elle affine son regard et laisse la place à l’accident heureux. Ce sont alors les textures, les couleurs, les matières et la lumière qui guident la composition, afin de composer une ambiance – agréable, satisfaisante, ou parfois inconfortable. Beaucoup de décisions sont évacuées dès le départ, pour que ne demeure que l’essentiel, soit « regarder et trouver simplement des connexions ou des combinaisons qui [lui] plaisent », explique-t-elle.

© Vanessa Stevens
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À la recherche des sensations

Dans ses collages, les fragments mis côte à côte nouent un dialogue inattendu : peaux, traits du visage, tissus, objets aux formes particulières et motifs se complètent. Sur l’un d’eux, on reconnaît une main noire posée sur un corset bleu brodé, encadrée de tissu rose. D’un geste élémentaire qui consiste à collectionner, découper et assembler, Vanessa Stevens déstructure l’image de départ et fait émerger une atmosphère où le sujet et le corps deviennent une abstraction et les objets se transforment en textures. Chaque collage s’apparente à une étude formelle. « La retenue consiste à ne pas trop réfléchir. Si ça me semble bien, c’est terminé », résume-t-elle. Cette approche est libératrice : l’artiste n’a pas besoin de réfléchir à l’intention initiale derrière les images, l’accent étant purement mis sur la forme et l’esthétique. C’est peut-être cela qui rend ses œuvres si accessibles : car même dans leur étrangeté, elles parlent à chacun. Parfois, une certaine nostalgie se fait sentir. Certaines teintes évoquent des souvenirs flous : « des couleurs et des formes qui me rendent très nostalgique, des pastel ou des nuances subtiles de crème et de blanc », confie-t-elle.

Dans un autre, ce sont trois mains qui se tiennent, chacune extraite d’une image différente. L’une porte un pull à carreaux, l’autre est nue, la troisième enveloppée dans l’ombre. Le collage devient un espace de recomposition du monde, chaque chose étant reliée en un tout harmonieux. Pour autant, l’émotion aussi peut s’inviter : « Je pense que certains de mes collages sont vraiment émotionnels et aussi très personnels ! », s’exclame-t-elle. Il suffit d’une lumière ou d’une couleur, d’un détail donc, pour que tout se déclenche. Issue de la photographie, Vanessa Stevens s’éloigne ici du cadre unique. Mais la composition reste centrale, et influence même son regard sur le réel : « Je me surprends à prendre des photos qui ressemblent presque à mes collages : le coin d’un objet recadré à côté d’un autre élément ou d’une autre personne, zoomé et abstrait », observe-t-elle. Le collage devient alors une façon nouvelle de contempler le réel. Elle collectionne aujourd’hui des milliers de bandes, prélevées dans des magazines anciens ou récents, imprimés en laser ou en pigments, trouvés dans de vieux livres, peu importe, car chaque image a un potentiel à détourner ou à réemployer. À l’ère du tout numérique, ces associations manuelles minutieuses incarnent un geste simple, mené avec grâce et une grande économie de moyens. 

© Vanessa Stevens
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© Vanessa Stevens
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