Norvège, Finlande, Japon, Turquie, Russie, États-Unis, Canada… Les photographes présentés ici ont choisi de prendre leurs quartiers d’hiver dans les contrées les plus froides pour nous conter des histoires personnelles et sensibles. Des images à contempler comme autant de poèmes et de légendes en attendant les beaux jours. Ces articles sont à retrouver dans le dossier de notre dernier numéro.
« Mon travail se développe en constante réaction à la digitalisation de la photographie »
, annonce Douglas Mandry, photographe et artiste de 30 ans installé à Zurich, en Suisse. Sa série Unseen Sights rassemble des photographies noir et blanc prises au cours de voyages et recolorisées en studio – à la main ou à l’aérographe. « Les images originales témoignent d’une nature primitive, idéalisée et vierge de toute intervention humaine. Elles ont été réalisées dans les environs de sites touristiques où la nature est devenue un bien de consommation photographié comme les autres », complète l’auteur. En intervenant ainsi sur ses photos, il propose une vision fantasmée du territoire. Si la réalité ne l’ennuie pas, il ne cesse de questionner la perception de celle-ci. « Le site de Kapadokya, en Turquie, est apprécié pour ses monuments géologiques de couleur orangée. C’est comme si nous nous trouvions sur une autre planète. Son iconographie durant l’hiver est en revanche moins connue. En essayant de redonner une certaine chaleur aux paysages enneigés, un effet d’entre-deux apparaît. C’est cela que je recherche dans mon travail, le paradoxe. » Un message écologique non revendiqué transparaît dans son questionnement de la photographie comme objet matériel.
© Douglas Mandry
Artiste finlandaise née en 1969 à Maaninka, petit village de 200 habitants, Riitta Päiväläinen a passé son enfance au milieu de la nature : « Je passais des heures à l’extérieur, à jouer dans la neige, à skier dans les forêts et les champs enneigés et silencieux. » Gardant une forme de nostalgie de cette enfance et de ses traces laissées dans le paysage, cette diplômée de l’université d’art et de design d’Helsinki (département photographie) décide d’utiliser des tissus et des vêtements pour réaliser des installations. « Comme un écrivain qui crée un roman et a besoin d’un stylo et de papier, j’ai besoin de tissu et de paysage pour raconter une histoire qui touchera le spectateur en fonction de son histoire personnelle et de ses expériences », explique la photographe. Ce rapport à la nature devient même fusionnel quand elle explique : « Travailler avec un paysage, c’est y entrer : vivre et sentir le lieu, en faire enfin partie à parts égales. En rapprochant le paysage et le tissu, je crée un dialogue, une interaction. Mon but est de suggérer et de mettre en avant des histoires potentielles, des histoires mentales. » En gelant les vêtements ou en laissant le vent les remplir d’air, Riitta Päiväläinen crée un espace sculptural qui lui rappelle son ancien utilisateur. « Cette “rencontre imaginaire” représente pour moi la subtile distinction entre absence et présence », analyse l’artiste.
Cet article est à retrouver dans Fisheye #40, en kiosque et disponible ici.
© Riitta Päiväläinen
Image d’ouverture : © Douglas Mandry