Mai-Thanh Nguyen et Madalena Georgatou, nos coups de cœur de la semaine, explorent la mémoire. La première s’intéresse aux lieux qui vivent en elle et aux liens profonds avec son entourage. Tandis que la seconde, mêlant les archives familiales avec ses photographies, sonde les traumatismes générationnels et cherche un moyen de les guérir.
Mai-Thanh Nguyen
Des corps en suspens, des chambres à coucher et des visages. S’il y a bien une chose qui inspire Mai-Thanh Nguyen, photographe et réalisatrice installée à San Francisco, ce sont les relations profondes qu’elle entretient avec son entourage. Née en 2002 dans l’Indiana, elle développe un goût prononcé pour le cinéma alors qu’elle est lycéenne. Mais, c’est pendant d’un voyage au Vietnam avec ses parents en 2023 qu’elle comprend son attachement pour 8e art. « C’était la première fois qu’ils revenaient depuis leur fuite en bateau après la chute de Saïgon en 1975. Avec l’appareil photo de mon père, j’ai saisi leurs réactions les plus pures alors qu’ils découvraient les changements du temps sur une maison passée et que des souvenirs d’une période turbulente réapparaissaient. J’ai capturé les retrouvailles avec la famille et la joie de vivre d’un tel moment de plénitude », raconte-t-elle. Aujourd’hui diplômée, elle construit ses images en croisant des mises en scène réfléchies et des instants impromptus. « Même si l’ensemble de la prise de vue est planifié, beaucoup de choses peuvent évoluer lorsque j’ai l’appareil photo entre les mains : sur le moment, je me base principalement sur mon intuition », soutient l’artiste. Sur ses clichés, les lieux se révèlent et baignent dans une douce nostalgie : chambre d’enfant, rivière attenante, salle de bain. Les moments d’antan se réveillent. « Peut-être qu’une partie innée de moi abrite mon identité et mon sentiment d’appartenance dans les endroits où j’ai vécu et ceux qui existent dans ma mémoire, réfléchit Mai-Thanh Nguyen. Mon travail créatif et de mon inspiration tourne autour de cette notion de grandir et de trouver sa place dans le monde. »
Madalena Georgatou
Il y a deux ans, Madalena Georgatou, artiste visuelle, commence à photographier « presque par accident », soutient-elle. « J’ai eu un besoin intuitif de documenter, de remarquer et de conserver certains moments – des choses que je ne pouvais pas exprimer par le langage. » Laissant son instinct la guider, elle sonde les thèmes de l’identité, de la transmission intergénérationnelle des expériences et de la résilience et tisse des liens entre les archives familiales et ses propres images. Son projet Jasmine en est une expression tangible. « Je revisite les archives photographiques de ma mère que je mets en parallèle avec les miennes afin de comprendre les héritages émotionnels qui traversent les familles, souvent de manière discrète et invisible », explique l’artiste. Des sentiments doux-amers se dégagent de ces créations superposées où les silhouettes n’ont pas de visage et de ces clichés aux couleurs suaves qui encapsulent des objets d’autrefois. Un dialogue salvateur se dessine entre le passé et le présent et révèle des pistes d’apaisement.