Dans l’œil de Marivan Martins : portrait de la surconsommation

Dans l'œil de Marivan Martins : portrait de la surconsommation
Black Friday © Marivan Martins
MarivanMartins
Photographe
« [Ce qui se passe dans les fast-foods], c’est comme regarder un film dystopique sur notre propre réalité. Je trouve cela fascinant, voire drôle. »

Aujourd’hui, plongée dans l’œil de Marivan Martins, photographe brésilien, installé à Paris, dont le livre autoédité Black Friday est récemment sorti. Pour Fisheye, il décrypte dans un langage visuel les comportements abusifs liés à la surconsommation dans notre société contemporaine.

Pour Marivan Martins, artiste visuel brésilien basé à Paris, « le quotidien est une source infinie d’inspiration ». Nourri par la mode et la rue, il compose Black Friday, un livre photographique autoédité qui interroge notre monde capitaliste noyé dans la surconsommation au travers de mises en scène à la croisée du réalisme et de l’invraisemblable.

Le client est roi

« Cette image est issue de mon premier livre photographique, autoédité. C’était un travail d’envergure, qui nous a pris, à moi et mon équipe, des mois – et souvent la tête. Mais nous sommes heureux·ses du résultat. Cet ouvrage explore de manière assez ironique et humoristique la notion de surconsommation. Son titre est par ailleurs évocateur : Black Friday, un clin d’œil à un moment de l’année qui l’incarne dans toute sa splendeur. Il est cependant important pour moi de préciser que ce projet n’a pour but ni de juger ni de critiquer. J’aspire seulement à retranscrire une certaine réalité dont la majorité d’entre nous fait partie – moi inclus. J’achète, je consomme. Je suis donc à la fois spectateur et à la fois acteur de ces photographies en un sens. Toutes les mises en scène sont inspirées de reportages avérés, qu’on peut découvrir à la fin du livre. À premier abord, ces images peuvent paraître fantastiques et irréelles, elles sont néanmoins tout droit sorties de notre réalité quotidienne. 

Ici, j’aborde la question de la violence dans la surconsommation. En collaboration avec la styliste Victoire Seveno et le comédien Jérémie Haïk, nous avons recréé cette scène où un client mécontent jette son gobelet de coca sur une serveuse d’un McDonald’s. Les agressions dans les fast-foods sont malheureusement très communes. Aux États-Unis, par exemple, selon une analyse du Service Employees International Union (SEIU), entre 2017 et 2020, la police a été contactée 77 000 fois par ces chaînes d’établissements de restauration rapide. Derrière ces actes de violence, on retrouve une relation à l’argent, à la consommation et au pouvoir. Quand j’observe ce cliché, la première chose qui me vient en tête est cette phrase : “les client·es ont toujours raison”. En grandissant dans un commerce familial, cette phrase-là revenait souvent face aux abus des client·es. C’est à se demander si le fait de consommer, le fait de posséder l’argent nous donne tous les droits. Les personnes en face, réduites à des prestataires de services complètement déshumanisé·es, n’ont aucun mot à dire. Il y a plusieurs références à des fast-foods dans le livre. Ces endroits, symboles d’un certain capitalisme, sont la représentation d’une consommation de masse rapide, pas chère et généralement médiocre, qui définit notre mode de vie actuel. C’est comme regarder un film dystopique sur notre propre réalité. Je trouve cela fascinant, voire drôle. »

À lire aussi
« Happy Pills » : l’industrie pharmaceutique, « le nouveau visage du capitalisme »
« Happy Pills » : l’industrie pharmaceutique, « le nouveau visage du capitalisme »
Travail d’envergure réalisé en cinq ans, Happy Pills est une collaboration entre le photographe Paolo Woods et le journaliste Arnaud…
10 mai 2023   •  
Écrit par Lou Tsatsas
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
© Aletheia Casey
Dans l’œil d’Aletheia Casey : le rouge de la colère et du feu
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil d’Aletheia Casey, dont nous vous avons déjà parlé il y a quelques mois. Pour Fisheye, elle…
28 avril 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Explorez
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
© Aniela Kurkiewicz / Instagram
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
« Il n’y pas d’amour censure, il n’y a que d’l’amour sincère », chante Hoshi. Peut-être ces paroles rythmeront-elles la marche des...
24 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Valéry Giscard d’Estaing devant sa télévision, le soir de son élection comme président de la République française, Paris, 19 mai 1974 © Marie-Laure de Decker
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Jusqu’au 28 septembre 2025, l’œuvre de Marie-Laure de Decker s’expose à la Maison européenne de la photographie. Au fil de sa carrière...
23 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Caroline Sohie : « La beauté des images n’est pas sans conséquence, elle a un poids »
© Caroline Sohie
Caroline Sohie : « La beauté des images n’est pas sans conséquence, elle a un poids »
Autrefois carrefour de la traite et du commerce colonial, Bagamoyo, sur la côte tanzanienne, juste en face de Zanzibar, est aujourd’hui...
21 juin 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
Raymond Depardon, l’éloge du passage
© Raymond Depardon
Raymond Depardon, l’éloge du passage
La Galerie Magnum présente Raymond Depardon : Passages, une rétrospective visible jusqu'au 26 juillet 2025. À travers une...
18 juin 2025   •  
Écrit par Costanza Spina
Nos derniers articles
Voir tous les articles
PMA : Valentine de Villemeur et son combat pour être mère
© Valentine de Villemeur
PMA : Valentine de Villemeur et son combat pour être mère
Dans I’ve Always Wanted to Be a Mom, Valentine de Villemeur se livre pour la première fois à une approche autobiographique. Comme son...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
La FUJIKINA Arles, quand l'art rencontre la technique
© Gregory Halpern / Magnum Photos
La FUJIKINA Arles, quand l’art rencontre la technique
Du 8 au 12 juillet 2025, la FUJIKINA, manifestation mondiale autour de la culture photographique créée par Fujifilm, revient pour une 2e...
24 juin 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
© Aniela Kurkiewicz / Instagram
La sélection Instagram #512 : amour censure, amour sincère
« Il n’y pas d’amour censure, il n’y a que d’l’amour sincère », chante Hoshi. Peut-être ces paroles rythmeront-elles la marche des...
24 juin 2025   •  
Écrit par Lucie Donzelot
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Valéry Giscard d’Estaing devant sa télévision, le soir de son élection comme président de la République française, Paris, 19 mai 1974 © Marie-Laure de Decker
Marie-Laure de Decker à la MEP : le regard sensible d’une photojournaliste
Jusqu’au 28 septembre 2025, l’œuvre de Marie-Laure de Decker s’expose à la Maison européenne de la photographie. Au fil de sa carrière...
23 juin 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet