Dans tes brumes est la nouvelle exposition des Filles du Calvaire, à découvrir jusqu’au 22 février 2025. La galerie parisienne invite la commissaire Lise Bruyneel à faire dialoguer plusieurs photographes autour de la notion de fluidité, d’effacement, de disparition, de respect de la nature et du vivant.
Dans tes brumes traduit l’énergie d’une ville, représente l’absence et l’effacement, fluctue entre l’oubli et la mémoire, recherche le surgissement de l’inattendu. Avec cette exposition, la commissaire Lise Bruyneel donne corps à une vision fantasmagorique : un monde envahi par la brume, un espace blanc au sein duquel les visiteur·ses apparaissent et disparaissent en se déplaçant entre plusieurs dimensions. « C’était l’intuition de départ : travailler autour de la brume et, par-là, autour de l’effacement, de la disparition — disparition au niveau individuel et au niveau collectif et global, destruction de la nature et du vivant… Mais aussi travailler sur ce qui surgit de la brume, la révélation, l’apparition, des yeux qui redécouvrent le monde », explique la commissaire avant de poursuivre : « Depuis Strindberg et Mallarmé jusqu’à Cage, la réflexion sur le hasard a toujours fait partie de la création et fasciné les artistes. Les artistes de l’exposition s’approprient chacun·e à leur façon cette réflexion de manière personnelle et originale. Par exemple, pour capter le soleil couchant, Dries Segers laisse ouverte sa focale jusqu’à éventuellement endommager le négatif. Lore Stessel peint avec son émulsion photographique en laissant de grandes plages de vide, et elle ne sait pas comment l’émulsion peinte réagira au développement. Julie Calbert crée les conditions de la surprise en laboratoire, en développant un même négatif à l’infini, toujours pareil, toujours différent. » En faisant entrer le hasard dans la création, les photographes interrogent la place de l’artiste qui ainsi s’extrait de son œuvre. Pour Lise Bruyneel, Dans tes brumes est une forme de réflexion écologique : à quels récits donner vie à l’heure de l’anthropocène ?
Donner à voir des récits réparateurs
Pour la commissaire, Dans tes brumes est une exposition engagée, qui assume un propos politique, une proposition de curation qui se penche sur le moyen photographique lui-même, à l’heure où tout semble disparaître. Que peut la photographie face au monde inquiétant qui s’impose à nous ? Comment l’absence s’articule-t-elle en images ? « Outre les travaux de Laure Winants ou d’Antoine de Winter, qui traquent les traces de l’histoire des glaces et de la disparition du vivant, je suis fascinée par la recherche de Stéphanie Roland sur ce qu’elle nomme “la matière noire du monde”, les fantômes que notre société libérale repousse à la marge alors qu’ils sont partie prenante du système : elle rend visible l’invisible, développe Lise Bruyneel. Je songe à la réflexion développée par Camille de Toledo dans son essai Histoire du vertige : de tout temps, les êtres humains ont fabriqué des histoires. Mais au fil des siècles, certaines de ces histoires sont devenues des mythes toxiques – tel le mythe de la croissance illimitée. Je pense qu’il est important de donner à voir et à entendre d’autres récits, des contre-récits, des récits réparateurs… » Cette exposition de Dirk Braeckman, Julie Calbert, Katrien de Blauwer, Antoine de Winter, Renée Lorie, Stéphanie Roland, Dries Segers, Lore Stessel et Laure Winants est à voir jusqu’au 22 février aux Filles du Calvaire.