« East of the Sun » : un Japon mineur

05 juin 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« East of the Sun » : un Japon mineur

Fasciné par la culture japonaise, le photographe Giovanni Maggiora s’est rendu deux fois au pays du Soleil-Levant. De ses voyages, il a rapporté East of the Sun, un ouvrage urbain et mélancolique, explorant la notion de solitude.

Photographe turinois installé à Paris, Giovanni Maggiora est tombé amoureux du 8e art à travers les images de Venise de Fulvio Roiter, un fil rouge de son apprentissage du média. En déménageant en France, à la fin des années 1980, il a découvert les œuvres des photographes humanistes, et leur noir et blanc plein d’émotion. « J’ai été inspiré par le travail monochrome, et je ne l’ai jamais abandonné depuis », précise-t-il. Pour l’artiste, la photographie est « un récit de vie, plus qu’un document de voyage ». Une manière de s’approprier un territoire inconnu, de sillonner des lieux mystérieux. « Mon travail m’a offert la chance de me sentir chez moi dans des villes comme Londres, New York ou encore Chicago », ajoute-t-il.

Si Giovanni Maggiora se définit comme un « photographe urbain », il perçoit l’image comme un moyen d’enregistrer les sensations. Un dialogue entre l’approche formelle – qu’il tient de son père, architecte de formation – et la recherche du ressenti. Une approche à fleur de peau qui se traduit par une évolution : de la ville à l’Homme. « Je ressens de plus en plus le besoin de traiter le cadre comme un contenant du facteur humain. Si je réalise encore des images vides, j’y trouve toujours un écho de la main, ou du passage d’un humain », confie le photographe. Celui-ci s’est rendu pour la première fois au Japon en 2017 durant un mois. De ce premier voyage, il a rapporté une série de clichés street « classiques ». « Mais j’avais le sentiment de n’avoir qu’effleuré la surface de ce pays, ses habitants, leur culture », explique-t-il. Un ressenti qui le pousse à s’immerger dans l’histoire du territoire.

Une solitude heureuse

« J’ai dévoré tout ce que je pouvais étudier : essais, photographie, littérature… Et je suis reparti chercher l’écho de ce que j’avais ressenti au fil de ces lectures »,

raconte Giovanni Maggiora. Durant son deuxième périple, le photographe a visité le « Japon mineur », celui des quartiers résidentiels et des villages, loin des néons colorés d’un Tokyo bondé. Durant cinq semaines, malgré quelques contacts, quelques rencontres, il s’est plongé dans une solitude heureuse, lui permettant de faire face à ses pensées et d’immortaliser ses états d’âme grâce à son boîtier.

« J’ai beaucoup ressenti l’isolement que la vie atomisée de la métropole impose à ses habitants, souvent dépourvus du tissu familial qui était si fort au Japon », confie l’artiste. Dans ses images, floues, brume et failles sur les murs deviennent des métaphores d’un territoire au rythme de vie effréné. Une énergie qui empêche les Japonais de nouer des liens. En contraste, face aux mouvements, le photographe capture la beauté délicate d’orchidées blanches, ou le visage fatigué d’une femme traversant la rue, dans la nuit noire. Sans guide, en errant dans les rues, l’artiste est parti à la recherche d’une douce mélancolie. Un sentiment abstrait qu’il essayait de saisir sans trop savoir comment. « Et au retour, j’ai compris que je l’avais presque inconsciemment trouvé. Peut-être, en même temps, en me retrouvant moi-même », conclut-il. Un conte visuel émouvant.

 

East of the Sun, 30 €, 48 p. 

© Giovanni Maggiora

© Giovanni Maggiora

© Giovanni Maggiora© Giovanni Maggiora

© Giovanni Maggiora

© Giovanni Maggiora© Giovanni Maggiora

© Giovanni Maggiora© Giovanni Maggiora

© Giovanni Maggiora

Explorez
Éternel été, mémoire et masculinité : nos coups de cœur photo de novembre 2025
Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor © Laura Lafon
Éternel été, mémoire et masculinité : nos coups de cœur photo de novembre 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le 7 à 9 de Chanel : Viviane Sassen, l’ombre comme seconde peau
© Viviane Sassen
Le 7 à 9 de Chanel : Viviane Sassen, l’ombre comme seconde peau
Nouvelle invitée du 7 à 9 de Chanel au Jeu de Paume, Viviane Sassen a déroulé le fil intime et créatif de son œuvre au cours d’une...
25 novembre 2025   •  
Écrit par Cassandre Thomas
La sélection Instagram #534 : film noir
© Lux Corvo / Instagram
La sélection Instagram #534 : film noir
Alors que les jours s’assombrissent et que la nuit domine, les artistes de notre sélection Instagram de la semaine nous plongent dans les...
25 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
I saw a tree bearing stones in place of apples and pears © Emilia Martin
Les secrets des météorites dévoilés par Emilia Martin
Dans son livre I Saw a Tree Bearing Stones in the Place of Apples and Pears, publié chez Yogurt Editions, Emilia Martin s’intéresse au...
21 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Éternel été, mémoire et masculinité : nos coups de cœur photo de novembre 2025
Red Is Over My Lover. Not Anymore Mi Amor © Laura Lafon
Éternel été, mémoire et masculinité : nos coups de cœur photo de novembre 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
Il y a 3 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
© Lena Kunz
Mouche Books édite son premier livre photo-poésie Selfportraits
La revue Mouche, qui fait dialoguer le 8e art avec la poésie depuis quatre ans, lance sa maison d’édition Mouche Books avec comme premier...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Affiche Pictorial Service rue de la Comete 1950 © Archives Picto
Victor Gassmann : « Je crois en la matière »
Arrière-petit-fils de Pierre Gassmann, Victor Gassmann veille sur l’héritage de Picto, laboratoire emblématique qui a façonné le tirage...
27 novembre 2025   •  
Écrit par Fabrice Laroche
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
©Théo Saffroy / Courtesy of Point Éphémère
Corps, catch et injonctions : la séance de rattrapage Focus
Les photographes des épisodes de Focus sélectionnés ici révèlent les corps et dénoncent les injonctions que nous leur collons. Ils et...
26 novembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine