« Echo Mask » : terres fantômes

03 décembre 2019   •  
Écrit par Lou Tsatsas
« Echo Mask » : terres fantômes

Pour réaliser Echo Mask, le photographe Jonathan Levitt a voyagé sur le territoire nord-américain, à la recherche d’une nature intacte. Un livre à la beauté farouche, porté par un récit mystique.

C’est la nature qui inspire Jonathan Levitt. Les territoires sauvages, leurs climats extrêmes et leurs recoins encore inconnus. Après avoir étudié le journalisme ainsi que l’anthropologie et l’histoire de la nourriture à l’université, le photographe a travaillé dans une ferme, puis en tant que cuisinier. Un rapport au monde animal qu’il entretient et développe à travers ses séries. « J’ai toujours utilisé le médium photographique comme un outil. Il y a environ dix ans, j’ai commencé à entrevoir sa capacité à créer des narrations construites », ajoute-t-il.

Plus intéressé par les histoires qui se dégagent des images que leur esthétique propre, l’artiste réalise ses clichés avec de vieux boîtiers argentiques 35 mm. Leur grain et leur faible luminosité apportant une texture presque palpable à ses créations. « J’essaie d’instaurer des éléments chaotiques dans mon travail, de capturer à la fois l’immobilité et le mouvement », précise-t-il. Des œuvres étranges, qui semblent osciller entre deux mondes, ou deux imaginaires, suspendus entre la vie et la mort. Au cœur de Echo Mask, les animaux photographiés, figés en plein mouvement, semblent sortir des pages sous nos yeux.

© Jonathan Levitt

Une nature aussi belle qu’indomptable

Jonathan Levitt a parcouru les côtes maritimes du nord de l’Amérique, de Terre neuve au Maine pour réaliser cet ouvrage. « Certains clichés ont été pris dans l’Ouest américain, et d’autres suivent les migrations d’oiseaux, des forêts boréales au climat tropical du sud-est », précise-t-il. Un seul objectif en perspective : explorer les paysages intacts du nord du continent. En voyageant à pied ou en bateau, l’artiste s’est immergé dans un univers à part, où la nature aussi belle qu’indomptable semble encore gouverner. Baleines gigantesques, hordes d’oiseaux et ours polaires apparaissent çà et là, rares et majestueux.

Fasciné par la faune, la flore et les anciens mythes qui habitent ces lieux, le photographe se transforme en « conteur », s’immergeant sans concession dans ce mode de vie sauvage et solitaire – « les animaux morts de mes photos sont ceux que j’ai tué et mangé », confie-t-il d’ailleurs. Dans ce récit au grain prononcé, les ombres animales se font menaçantes, ou surnaturelles. Le froid perce les pages d’Echo Mask, laissant le lecteur frissonner face aux vastes étendues gelées. Il y a, dans les photographies de l’artiste, une présence fantomatique, presque effrayante. Une puissance inexplicable, prenant racine dans les rites anciens et les montagnes de neige. Elle domine l’Homme, presque absent du livre – qui n’ose apparaître que dans la pénombre d’une maison, ou l’œil d’un chien de traîneau – et enveloppe chaque image d’un voile surnaturel. Poétique et farouche, le récit de Jonathan Levitt donne à voir un monde singulier, porté par une histoire passionnante. Une narration hors du temps.

 

Echo Mask, éditions Charcoal Press, 75 $, 96 p.

© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt© Jonathan Levitt

© Jonathan Levitt

Explorez
Concours de beauté, métropoles et intimité : nos coups de cœur photo de décembre 2025
© Carla Rossi
Concours de beauté, métropoles et intimité : nos coups de cœur photo de décembre 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
24 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Le 7 à 9 de Chanel : Claire Denis et la fabrique du monde
Tracey Vessey, extrait du film Trouble Every day, film de Claire Denis, Paris, 2001 © Rezo Productions
Le 7 à 9 de Chanel : Claire Denis et la fabrique du monde
Pour ce nouveau 7 à 9 de Chanel au Jeu de Paume, la scénariste et réalisatrice Claire Denis était invitée à revenir sur ses racines, ses...
22 décembre 2025   •  
Écrit par Ana Corderot
Les images de la semaine du 15 décembre 2025 : hommage, copines et cartes postales
© Ashley Bourne
Les images de la semaine du 15 décembre 2025 : hommage, copines et cartes postales
C’est l’heure du récap ! Cette semaine, nous rendons hommage à Martin Parr, vous dévoilons des projets traversés par l’énergie d’une...
21 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Martin Parr : des photographes de Bristol lui rendent hommage
© Fabrice Laroche
Martin Parr : des photographes de Bristol lui rendent hommage
Consciemment ou non, des photographes du monde entier travaillent sous l’influence de Martin Parr. Mais pour la communauté photographique...
16 décembre 2025   •  
Écrit par Thomas Andrei
Nos derniers articles
Voir tous les articles
Dans l’œil de Marilia Destot : mémoire entre ciel et mer
© Marilia Destot / Planches Contact Festival
Dans l’œil de Marilia Destot : mémoire entre ciel et mer
Cette semaine, nous vous plongeons dans l’œil de Marilia Destot. Jusqu’au 4 janvier 2026, l’artiste expose ses Memoryscapes à Planches...
Il y a 9 heures   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Vuyo Mabheka : de brouillon et de rêve
Indlela de la série Popihuise, 2021 © Vuyo Makheba, Courtesy AFRONOVA GALLERY
Vuyo Mabheka : de brouillon et de rêve
Par le dessin et le collage, l'artiste sud-africain Vuyo Mabheka compose sa propre archive familiale qui transcrit une enfance solitaire...
25 décembre 2025   •  
Écrit par Fisheye Magazine
Concours de beauté, métropoles et intimité : nos coups de cœur photo de décembre 2025
© Carla Rossi
Concours de beauté, métropoles et intimité : nos coups de cœur photo de décembre 2025
Expositions, immersion dans une série, anecdotes, vidéos… Chaque mois, la rédaction de Fisheye revient sur les actualités photo qui l’ont...
24 décembre 2025   •  
Écrit par Apolline Coëffet
Trophées Photos Jeunes D’Avenirs : quand les jeunes s’emparent de l’image 
Les avenirs vacants, Grand Prix du Jury © Victor Arsic
Trophées Photos Jeunes D’Avenirs : quand les jeunes s’emparent de l’image 
Le Groupe AEF info a annoncé les lauréat·es de la première édition de son concours Trophées Photos Jeunes D’Avenirs. Six jeunes artistes...
23 décembre 2025   •  
Écrit par Marie Baranger