Logé pour la première fois dans le centre de Sète, le festival ImageSingulières offre un panorama de la photographie documentaire. Pas moins de neuf lieux accueillent les œuvres de photographes talentueux qui ont posé leur regard sur notre monde. Dès l’arrivée en gare de Sète, le festival propose deux expositions aux antipodes thermiques. Avec La mort aussi bruyante que la vie, Ronan Guillou a voulu défricher le seul état américain qui n’ait pas eu les honneurs des grands photographes voyageurs : l’Alaska. Dans cette série, il a capté le quotidien atypique des habitants de ce territoire qui peut paraître hostile. Pour certains, il faudrait être fou pour vivre là-bas, et cette folie est palpable dans certains clichés de Ronan Guillou. Juste à côté de la gare, nous arrivons dans la chaleur tropicale de Cuba. Par un accrochage audacieux, l’exposition Regla du photographe italien Nicola Lo Calzo nous fait pénétrer dans le quotidien invisible des Cubains. « J’ai voulu déconstruire le mythe de la révolution et montrer le tribut énorme dont les Cubains doivent s’acquitter. (…) Les gens sont divisés en deux, il y a le discours officiel et le discours personnel. C’est à ce second niveau de relation que j’ai voulu accéder. »
© à g. Ronan Guillou, et à d. Nicola Lo Calzo
L’O.V.N.I. du festival
Un peu plus loin, l’ancien collège Victor Hugo. Nous voilà au cœur du festival. Outre les rencontres avec les photographes lors des « agoras », le lieu accueille deux expositions. South Side de Jon Lowenstein s’affiche en grand format sur les murs extérieurs du bâtiment et par une projection dans une salle de la cour. Le projet s’intéresse aux habitants de ce quartier de Chicago en état de pauvreté extrême. Il montre le combat quotidien d’une frange de la population pour maintenir un environnement humainement vivable. L’autre exposition est l’O.V.N.I. du festival. Dans Country Of Ambition, le photographe chinois Yan Ming dresse un portrait insolite de son pays. Ses photos aux tonalités douces montrent des situations étranges, inexplicables ou déroutantes. Il trouble notre vision de la normalité et révèle les paradoxes de l’Empire du Milieu.
© à g. Yan Ming, et à d. Jon Lowenstein
L’impact désastreux de l’activité humaine
Le Réservoir, espace dédié à l’art contemporain et aux collectionneurs, abrite lui aussi deux expositions. No Agua, No Vida, de l’Américain John Trotter, s’attache à l’impact désastreux de l’activité humaine sur le fleuve Colorado. Dans ce projet en noir et blanc débuté en 2001, le photographe lauréat du Grand Prix ImagesSingulières l’an passé, a voulu montrer à quel point les populations, les pouvoirs publics et l’industrie méprisent l’eau, ressource essentielle à notre survie. L’exposition colorée du photographe belge Nick Hannes décrit avec une pointe de cynisme et d’humour le ridicule de la société du divertissement à Dubaï. Cette ville des Émirats Arabes Unis célèbre le paraître, l’argent, les excès, la démesure absurde. Dans Garden of delight, série qu’il veut politique, le photographe capte magnifiquement les dérives de « l’ultime terrain de jeu de la mondialisation et du capitalisme… » (Joachim Naudts). À l’instar de John Trotter, le photographe français Mathias Depardon témoigne des ravages subits par nos ressources en eau. Les marais irakiens, le Tigre et l’Euphrate, sont le décor de ses images. Dans des photographies aux couleurs semblables, il chronique cette crise de l’eau due à une mauvaise gestion du patrimoine naturel et aux enjeux stratégiques des régimes en place.
© à g. John Trotter, et à d. Mathias Depardon
© Nick Hannes
Image d’ouverture © Yan Ming